jeudi 11 octobre 2007


LA LIBRAIRIE


Le ciel était bas et lourd. Il était tombé quelques flocons dans l'après-midi et je marchais à présent sur l'asphalte pailleté et crissant. L'après-midi touchait à sa fin, et j'étais sortie, esseulée, pour me divertir un moment du silence de ma petite chambre. Je m'engageais sous les arcades accueillantes qui longeaient la grand'rue, toutes brillantes des lumières des magasins. Je passais sans me distraire devant les boutiques de prêt-à porter, de sport, la parfumerie et la supérette. Déjà, je voyais les présentoirs de cartes postales et la vitrine coulante de lumière chaude. J'entrais le coeur en fête dans la librairie.

Les librairies ont toujours été des lieux magiques pour moi, mais celle-là, plus encore. Etait-ce parce que cette année-là, je me trouvais seule dans une région où je ne connaissais personne? Ou bien parce que les frimas rendaient plus accueillants les boîtes à malice des petites échoppes? Je ne sais... Mais ce dont je suis certaine, c'est qu'une fois la porte franchie, le temps n'avait plus d'emprise sur rien...

Même si je connaissais la librairie sur le bout des doigts, mon regard affamé ne savait plus où se poser : couchés, au garde-à-vous, accoudés, le coeur ouvert, chacun d'entre eux m'appelait de son langage muet. Il y avait celui-là qui voulait m'embarquer dans un bateau vers des îles lointaines, celui-ci qui me susurrait des mots tendres, cet autre dont le titre m'intriguait, le joli, en velours rouge duveteux qui me demandait une caresse. Il y avait tous les autres, les petits, les tout blancs, très sérieux, un peu méprisants peut-être, me tournant le dos délibérément, serrés les uns contre les autres pour que je ne puisse pas voir leur couverture et le résumé qui me dévoilerait un bout de leurs mystères. Il y avait tous les autres, les confidentiels, les drôles, les affables, les spécialisés, et ils posaient sur les étagères avec des mines de conspirateurs.

Je passais des heures à les choisir, à les ouvrir, à les sentir aussi - cette bonne odeur de livres vierges de toute lecture! J'écoutais leurs jointures craquer, je les posais, les reprenais, les reposais encore. C'était presque un jeu, ils étaient mes complices et ils étaient patients car ils savaient que je rêvais de les emporter tous avec moi!

Quand on entrait, c'était les très beaux livres qui nous accueillaient, un peu comtes, un peu princes, grands seigneurs de la librairie. C'était une débauche de belles photos, de belles lettres et je m'avançais entre leur haie d'honneur, flattée de leur flagornerie et de leur cabotinage. C'était alors tout un royaume qui s'ouvrait à moi, un pays de silences et de secrets bien volontiers consentis. Dociles, ils se blottissaient dans mes deux mains ouvertes, prêts à passer avec moi de longues heures, en bonne intelligence. Ils n'étaient pas les plus grands, loin d'être les plus beaux, mais c'était mes préférés - ils le sont toujours d'ailleurs - car ils étaient toujours prêts à tromper une heure trop longue ou divertir une attente difficile en m'ouvrant la porte de leurs mondes. Parfois, mes pas me poussaient dans le jardin sucré des enfants, mais je m'en éloignais toujours prématurément, pour choisir ce dernier livre incontournable qu'il me fallait absolument!

Je remontais toujours l'allée comme on sort d'une apnée, les joues rougies, le regard un peu fou, et la tête me tournait. Je serrais contre moi les quelques élus, pensant à contre-coeur à tous ceux que je laissais orphelins, essayant de me convaincre qu'il fallait bien m'en aller et me promettant de revenir très vite...

Quand je sortais de la librairie, il faisait nuit noire. Le coeur en liesse, je savourais la fraîcheur sur mon visage, le poids de mes futures aventures d'encre se balançant joyeusement dans le sachet au bout de ma main à demi-ouverte. Je rentrais à la maison, déjà bien loin, partie dans mes voyages de papier, sans plus éprouver ni les fins picotements de la neige sur mon front enfiévré, ni le froid qui s'insinuait traîtreusement entre les mailles de mon manteau et les arcades étiraient gracieusement leurs jambes entre les rais de lumières de la nuit en attendant le sommeil.

J'ai bien visité d'autres librairies depuis, tout aussi belles et achalandées mais aucune n'a été une si fidèle compagne d'heures et aucune n'a su gagner mon coeur d'une façon si définitive...La librairie des Arcades est à jamais blottie, comme dans une boule à la neige tourbillonnante, dans un recoin de mes souvenirs...

dimanche 7 octobre 2007




LES VISITEURS DE LA NUIT




Il était tard. La maison était calme et seul le babillage de la télé troublait le silence de cette fin de soirée. Les chats somnolaient, languides. Léo qui avait passé la soirée à jouer avec sa souris en peluche, était un petit soleil doré dans son panier, Kréma avait adopté la position du bouddha dans un de ses endroits de prédilection, la cuisine, et Eden ne laissait dépasser qu'une oreille frileuse de la courtepointe qui coulait du canapé.


Bercée par le tic-tac reposé de la pendule, je dus fermer les yeux un moment, quelques secondes tout au plus. Mais un objet roula à terre brisant la douce quiétude qui s'était installée. J'eus l'impression curieuse que l'air pesait plus lourd. J'ouvris les yeux et sursautai. Vous allez certainement me dire que j'ai rêvé mais non, vraiment, je ne peux pas le croire. D'un bond, je fus sur mes jambes, faisant tomber la courtepointe à mes pieds. Je me frottai les yeux vigoureusement : devant moi, se tenaient, aussi vrai que je vous vois, trois personnes qui me semblaient tout droit sorties d'un Dickens et toutes trois me regardaient, héberluées, comme surprises de se retrouver là.

- Que faites-vous chez moi? Sortez tout de suite!

Voilà ce que j'aurais voulu leur crier. J'aurais eu du mal à maîtriser les angoisses de ma voix, j'aurais menacé d'appeler la police, j'aurais gesticulé! Mais je ne fis rien de tout cela. J'étais figée par une sorte de curiosité mêlée de crainte et mon corps et ma voix ne m'obéirent pas. J'étais condamnée à attendre la suite des événements sans rien faire et mon coeur, battant à tout rompre était prêt à exploser. Impuissante, je les observais. Ils restaient là, eux aussi comme figés dans la posture qu'ils avaient lorsque je les avais surpris, stupéfaits, sans prononcer eux non plus le moindre mot. C'était vraiment étrange...

L'homme devant moi avait un certain âge sans être vieux et il portait un costume de majordome. Un air hautain flottait sur son visage dont le menton était orné d'une petite barbe noire qui lui donnait un petit quelque chose du mousquetaire. De sa poche, je voyais émerger des friandises qui enflaient l'apprêt de sa veste. En voilà un qui devait être un grand gourmand. Il ne me sembla pas dangereux et je décidai de continuer mon examen avec la femme qui se tenait en retrait.


Elle était d'âge mûr mais était pourtant très belle, avec un je ne sais quoi de félin. Elle grelottait sous un grand châle qui ne laissait s'échapper que quelques mèches gris et feu de sa chevelure. Ce qui me frappa le plus fut son regard, un beau regard vert et gris, profond et éloquent, un regard souriant et doux. D'elle, je ne pus en savoir plus car sa mise était simple et ne disait que grâce et délicatesse.

Restait le petit garçon assis par terre sur le tapis. Celui-là me regardait de ses grands yeux dorés, fixement, comme s'il essayait de m'interroger sur le grand mystère qui l'avait conduit ici, chez moi. C'était un beau petit garçon hirsute, roux comme un renard. D'ailleurs, ce petit air polisson qu'arborait fièrement sa frimousse ne mentait pas. Si lui non plus ne bougeait pas, son regard se promenait vivement tout autour de lui, et l'on sentait qu'il serait prêt à toutes les coquineries dès que le charme le libèrerait de son étreinte.

Bien malgré moi, j'avais fini par me détendre et par écouter ce langage muet que nous échangions. De chacun d'entre eux émanait un rayonnement, une force de vie éclatante, de celle des plus lointaines étoiles. Ils paraissaient être aux secrets du monde, sans même s'en soucier, comme si cela allait de soi. Je ne doutais pas une seconde du fait qu'ils n'étaient pas comme moi et qu'ils en savaient bien plus long que je n'en saurais jamais sur les rêves et les veilles et je finis par me surprendre à penser que peu m'importait qui ils étaient vraiment. Pourtant, une flamme vive et chaude m'assurait que je les connaissais, qu'ils étaient de mes intimes sans pouvoir cependant me rappeler où je les avais croisés.


Un objet roula à terre brisant la douce quiétude qui s'était installée. Je sursautai et ouvris les yeux. D'un bond, je fus sur mes jambes, faisant tomber à terre la courtepointe à mes pieds. Eden se retrouva ensevelie sous le tissu mais, sans s'en soucier outre mesure, elle replongea le nez dans ses pattes et se rendormit. Kréma, assis dignement dans la cuisine, m'observait avec une fixité si déconcertante que je détournai le regard. Quant à Léo, il me regardait avec malice, installé sans façon sur la table. C'était l'horloge qui était tombée à terre et j'aurais parié que c'était ce petit fripon qui venait de la faire tomber, la trotteuse l'intriguait toujours beaucoup !

Je secouai la tête : cela n'avait été qu'un rêve... Je souris songeant à ma candeur... Qu'en auriez-vous pensé, vous? J'en étais à ces réflexions, tout en ramassant l'horloge, quand je fus frappée d'une idée... Un vieux chat noir et blanc et un majordome, un gamin polisson et un chaton turbulent... J'interrogeai tour à tour mes trois chats qui me considéraient avec gravité comme s'ils...

Je respirai profondément en chassant bien vite cette idée saugrenue et me forçai à sourire, le coeur en déraison. Vraiment, mon imagination était bien trop fantasque!!



jeudi 20 septembre 2007

LULLABY
Vous avez certainement entendu parler des farfadets, ces petits êtres à barbiches qui vivent cachés dans nos maisons. Non? Vraiment? Voyons, vous connaissez sans doute l'histoire du cordonnier et du roi. Le cordonnier était amoureux de la fille du roi mais pour le monarque, il était hors de question de donner la chair de sa chair à un simple cordonnier. Comme il était toutefois un roi réputé pour son impartialité, il décida de lancer un défi au cordonnier : s'il réussissait à ressemeler toutes les chaussures de la Cour pour le matin de l'anniversaire de la princesse, alors, le roi accepterait de lui donner la main de sa fille. C'était bien sûr un défi impossible à relever et le cordonnier le savait mais il accepta tout de même. "Mon amour pour la princesse est bien assez fort pour braver tous les défis!" se dit-il. Alors, il travailla jour et nuit, nuit et jour, sans relâche, s'usant les doigts et les yeux vainement. Tard dans la nuit, alors qu'on entendait déjà la rumeur des préparatifs de la fête organisée par le palais pour les 18 ans de la princesse, il se rendit à l'évidence : jamais il n'aurait terminé avant l'aube. Les épaules basses et la mort dans l'âme, il s'allongea sur la paillasse qui lui servait de lit et sombra dans un sommeil profond. Mais quelques heures plus tard, alors que le soleil brillait déjà, lorsqu'il se réveilla et qu'il se leva pour aller annoncer son échec au roi, il n'en crut pas ses yeux : devant lui, alignées par paire, astiquées, reluisantes, comme neuves, s'étalaient toutes les chausses de la Cour! Il ne sut jamais qu'un farfadet, ému par le courage et l'amour de l'artisan, avait terminé l'ouvrage pendant son sommeil. On sait juste que le cordonnier se présenta à la porte du chateau et que le roi, fut contraint de lui donner sa fille en mariage. L'histoire dit même qu'il n'eut pas à le regretter et que le cordonnier sut se faire apprécier par tous grâce à sa bonté et à son sens du devoir.
On lui donne de nombreux noms mais son attitude, quant à elle, ne change jamais : il vient en aide aux hommes bons et honnêtes, qui travaillent dur par passion. En échange, il se contente d'un coin discret près du feu quand vous êtes endormis, d'un peu de crème ou de quelques biscuits. Il va et vient sans que l'on sache vraiment pourquoi et jamais il ne se montre.
Ne vous est-il jamais arrivé de trouver la lumière ou la radio allumées dans une pièce alors que vous étiez certain de les avoir éteintes? De retrouver un objet égaré dans un endroit vraiment saugrenu? De trouver une chaussette manquante d'une paire déjà rangée dans son tiroir alors qu'elle devrait sortir de la machine à laver et être encore toute humide? De chercher partout sans résultat la part de gateau au chocolat que vous vous étiez réservée? De sortir de votre sac un livre que vous étiez persuadé d'avoir laissé sur votre lit? Ah! Je vois que vous savez de quoi je parle! Et bien voilà! Vous hébergez sans doute un farfadet! Le jour où vous avez trouvé la lumière allumée, peut-être avez-vous failli le rencontrer! Oh, n'ayez pas peur, ce sont des êtres inoffensifs qui aiment donner un coup de main en toute discrétion aux hommes, rien de plus!
C'est comme cela que j'ai rencontré Lullaby. Il dit être un Domovoy, c'est le nom que lui donnent les Slaves. Il est né en Russie. On était en janvier, il faisait un froid terrible accentué par un Mistral éloquent. La nuit tombait et je préparais une soupe bien chaude pour le dîner. En bas, mon mari s'échinait comme un beau diable sur une belle armoire qu'il devait livrer sous peu et il s'inquiétait de l'échéance qui s'approchait et de l'énorme travail qu'il lui restait encore. Ce soir-là, il remonta de son atelier, un peu abattu, en disant qu'il lui faudrait appeler le lendemain le client pour lui annoncer que son armoire serait livrée avec un petit retard. Mécontent, il marmonna qu'il allait prendre une douche.
J'allai à la porte pour pousser le verrou pour la nuit et m'aperçus que la lumière était encore allumée en bas. En pestant, je m'emmitouflai dans un châle et descendis les marches qui mènent à l'atelier. Il est vrai que je ne fis sans doute pas plus de bruit qu'une souris mais alors que je m'apprêtais à appuyer mécaniquement sur l'interrupteur pour remonter bien vite, je fus saisie de stupeur en découvrant un petit bonhomme trapu qui ponçait de tout son coeur un morceau de l'armoire. Ma surprise me figea et je restai ainsi un long moment à l'observer avant de me cacher pour ne pas l'effrayer : il ne devait pas mesurer plus de 40 cm. Il portait une barbe rousse, des tâches de rousseur et un bonnet vert pomme au bout duquel pendait un pompom orange. Un instant, je crus que nos regards s'étaient croisés mais le lutin continua son ouvrage et je me dis que j'avais dû rêver. Je remontai en silence et me précipitai devant la porte de la salle-de-bain sur laquelle je tambourinai :
- Viens voir, viens voir, vite!
- Mais qu'est-ce qu'il y a? Ca ne va pas?
- Dépêche-toi! Ne fais pas de bruit! Viens voir!
Habitué à mes frasques, il se laissa prendre par la main et nous descendîmes à l'atelier. Mais je restai penaude : dans l'atelier toujours éclairé, il n'y avait plus personne! Le rabot gisait sur l'établi à côté du papier de verre, des ciseaux à bois et des morceaux de l'armoire sagement couchés eux aussi, comme après une longue journée de travail. J'eus beau détailler ce que j'avais vu, mon mari, un bon sourire aux lèvres, ne me crut pas un seul instant. Pourtant, en passant la main sur le morceau de bois que je lui indiquai, celui sur lequel j'avais trouvé le Domovoy en train de s'affairer, il admit qu'il était certainement poncé mais il haussa les épaules en disant qu'il était tellement fatigué qu'il ne se rappelait tout simplement plus de l'avoir fait. Je capitulai et nous remontâmes nous mettre au chaud dans la maison.
J'essayai à maintes reprises de surprendre à nouveau le Domovoy mais sans succès. Sans doute était-il plus vigilant à présent. Pourtant, je voyais bien qu'il était encore chez nous : les chats dressaient leurs oreilles en tournant la tête subitement vers la porte, des objets changeaient de place tout seuls, on retrouvait le four éteint quand on y avait oublié trop longtemps le rôti... Mais si sa présence était pour moi irréfutable, il était impossible de le voir.
J'appris que les esprits domestiques appréciaient la crème et le pain et je me mis en laisser une petite coupelle sur le rebord de la fenêtre. Les mets disparurent ce que mon mari mit sur le compte d'un chat errant affamé. Puis, systématiquement, je laissai dans l'assiette un petit bout de papier sur lequel j'avais griffonné : "Comment t'appelles-tu?" et un jour, j'eus la surprise de trouver au dos de mon papier en belles lettres anglaises une réponse : " Mon nom est Lullaby." Mon mari crut à une farce de gamin. Je levai les yeux au ciel devant tant d'incrédulité.
Un jour, la crème et le pain restèrent dans leur assiette. La lumière ne s'alluma plus inopinément dans l'atelier. Mon mari avait livré son armoire dans les temps, contre toute attente. Je compris que Lullaby était parti. Mais je reste attentive, on ne sait jamais, peut-être repassera-t-il par chez nous... En attendant, je continue de déposer de la crème et du pain sur le rebord de la fenêtre...

lundi 17 septembre 2007


AUTOMNE


- Chef, Chef, le jour est arrivé !
Un Esprit des bois aux longues élytres arriva en courant du fond de la forêt. Il se posta devant un énorme chêne ventru en se dandinant comme pris d’une envie pressante. Le gros chêne soupira, s’étira et un Sylphe se dégagea de son écorce rugueuse.
- Répète-moi cela plus calmement, Beäl…
- C’est le jour, Chef ! Ca a commencé ! Il faut avertir les autres !
Le Sylphe prit une respiration et se mit à murmurer des paroles que l’oreille humaine n’aurait pas pu interpréter. Mais voici ce qu’elles signifiaient à peu de choses près :
- Il est temps ! Au travail ! Le soleil s’éloigne, il nous faut parer la forêt ! Sylvides, Sylphes, Dryades, Elfes et Esprits, faites votre œuvre sans bruit et sans remous ! Que la magie opère !
Si vous aviez été un Esprit de la forêt, vous auriez senti comme une onde de choc légère sous vos pieds, comme une déformation subtile de la texture de l’air. Des changements ténus se firent et le Sylphe-Chef se mit à lancer ses ordres et à inspecter le travail de son peuple.
- Les équipes de nuit sont-elles prêtes ?
- Oui, Chef ! Elles ont pris leur poste dans les arbres et se sont mises à peindre les feuilles des arbres.
- Chef, Chef, problème, problème ! hurla un tout petit Esprit affolé aux antennes fournies.
- Je t’écoute, Mino.
- Il n’y a plus de vermillon ! On n’arrive pas à y mettre la main dessus ! Le doré, oui, le cuivré, aussi, le bronze et le pourpre aussi mais pas de trace de vermillon ! Que fait-on ? interrogea Mino en se tordant les mains.
- Et bien nous ferons sans, répondit placidement le Sylphe. Et vous me ferez venir Bëren, que je sache ce qu’il fabrique !!
- Bien Chef ! dit le petit Esprit en courant dans tous les sens.
- Et les équipes de nuit, où en sont-elles ?
- Elles sont également en place, Chef. Les Esprits des bois ont commencé à secouer les branches et les feuilles commencent à couvrir le sol !
- Bien, bien, bien… N’oubliez pas les champignons !
- Ils sont en préparation. Les Esprits les sortent de la pouponnière. Ils hurlent comme des nourrissons à qui on aurait refusé leur biberon mais tout va bien !
Et en effet, on voyait de ci de là des Esprits minuscules porter en ahanant de tout petits champignons furieux qu’ils s’échinaient à maintenir dans leurs bras avant de les replanter dans le sol humide de la forêt.
- Il me faudrait plus de pluie afin de gonfler les ruisseaux! rugit le Sylphe. Allons, Mesdames, un peu de nerf ! invectiva-t-il les Dryades.
- Mais Chef, nous ne pouvons pas faire tomber la pluie sans nuages ! s’insurgèrent-elles.
- Que les Sylphes peignent le ciel sans tarder ! tonna le Sylphe en chef.
Et les Sylphes s’exécutèrent : le ciel prit des teintes de charbon mouillé et de gris d’aquarelle, le vent se fit plus frais. Puis les Dryades entrèrent en scène : elles chantèrent la pluie et la pluie tomba, légère et calme, comme un rideau de perles étincelantes. La pluie gonfla les ruisseaux, les Dryades dansèrent, la pluie gorgea la terre de ses bienfaits et les champignons cessèrent de pleurnicher. Ils rabattirent leur chapeau sur le front et se turent.
- Bien, bien, bien, nous progressons, se félicita le Sylphe. Soudain, il s’arrêta devant un châtaignier et se renfrogna. Eh oh ! Là-haut ! Qu’est-ce que c’est que ça ? grogna-t-il en pointant du doigt une grosse citrouille orange suspendue à une branche. Et ça ? gronda-t-il en désignant une châtaigne attachée à la branche d’un noisetier. Ca ne va pas ! Ca ne va pas du tout ! Vous allez réparer tout ça sur le champ !
- Chef, Chef, ce sont les Changelins qui se sont amusés pendant que les Elfes ne les surveillaient pas…
- Envoyez-moi une équipe d’Elfes immédiatement qu’ils viennent remettre de l’ordre là-dedans !
Et alors qu’il terminait sa phrase, il surprit du coin de l’œil un Changelin en train d’attacher la queue d’un écureuil à une branche.
- Viens ici, vilain garnement !
Et avant même que le jeune Elfe polisson n’ait eu le temps de prendre ses jambes à son cou, il se retrouva suspendu par une oreille à la main d’écorce du Sylphe.
- Ca t’amuse, voyou ? Un jour comme aujourd’hui ! Va plutôt aider tes parents à réparer tes bêtises ! Gare à toi si tu ne veux pas te retrouver changé en citrouille ! menaça le Chef.
Le Changelin s’en alla en frottant son oreille pointue. Il lançait des regards noirs au Chef qui fit mine de le poursuivre ce qui eut pour résultat de le faire détaler comme un lapin. Le Sylphe en chef sourit dans sa barbe moussue en hochant la tête.
- Ah, ces jeunes ! Quelle mauvaise graine !
Il continua son inspection sans se presser, recommandant un peu plus de finesse aux fées qui cousaient des colchiques et des crocus en babillant allègrement, conseillant un peu plus de mousse dans les sous-bois.
- Vous m’avez demandé, Chef ? demanda un jeune Elfe aux yeux pâles et aux cheveux de lune.
- En effet, Bëren. Que se passe-t-il ? Où est passé le vermillon ?
- … utilisé pour les flammes de l’été, Chef… de nombreux feux de forêt cette année…
- Hum, je sais cela… C’est un vrai désastre… Est-ce que tes troupes avancent bien ?
- Oui, Chef ! Tout est bien et…
- Et les Changelins ? l’interrompit le Chef, une point de malice dans la voix.
- Les… Les Changelins ? euh… Désolé… On s’en occupe, Chef… On s’occupe de tout ! répondit Bëren, le rose aux joues.
- Très bien…
Le Sylphe en chef observa son peuple au travail. C’était à peine croyable que les humains ne les voient pas ! Quelles drôles de créatures ! Les feuilles prenaient de belles couleurs automnales et tombaient en pluie craquante sur les sentiers, l’air embaumait le sous-bois et les premiers frimas, les cosses des châtaignes jonchaient le sol et les prés se paraient du rose, du mauve et du jaune des dernières fleurs de l’année. Tout de même, l’automne leur demandait beaucoup de travail mais c’était vraiment leur chef-d’œuvre ! Il retrouva avec satisfaction son chêne : tout était bien, l’elfe avait bien raison ! Il s’adossa au tronc noueux du chêne et s’y réinstalla dans un soupir d’aise. Ah ! Quel bel automne ils préparaient !

mardi 4 septembre 2007


DES TITRES DE LIVRES POUR REPONSES...

A nouveau un jeu! Bon... La règle consiste à lancer le lecteur de son MP3 ou de sa mini-chaîne en mode aléatoire et de répondre aux questions avec les titres des chansons qui se succèdent. Mais je vais imiter Sixtine qui a suivi le même procédé mais avec des titres de livres choisis les yeux fermés, arbitrairement, dans sa bibliothèque! Me voilà dotée d'une liste de 29 titres de livres qui vont répondre aux 29 questions et j'argumenterais... si je peux... Voyons ce que ça donne :





1/ Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Les mots (Sartre)
C'est à peu près ça, j'ai passé la journée à lire... du Julien Gracq!

2/ Irez-vous loin dans la vie ? Colomba (Mérimée)
Euh... Donc, non! (rires) A moins que je ne devienne un fantôme... Gloup!

3/ Comment vos amis vous voient-ils ? L'enfant qui ne pleurait jamais (Hayden)
C'est sans doute ce que j'aimerais bien qu'ils croient... mais c'est râté!!

4/ Allez-vous vous marier ? Antigone (Anouilh)
Ca veut sans doute dire non? Mais je suis mariée!! Par contre, le désir d'absolu, le renoncement jusqu'à la folie d'Antigone, oui, pourquoi pas?

5/ Quelle est la chanson (titre) emblème de votre meilleur ami ? Capitale de la douleur (Eluard)
Je crois que ça n'est pas si faux...

6/ C'est quoi l'histoire de votre vie ? Les Petits Bonheurs (Clavel)
Oui, c'est exactement ça. On me dit trop indulgente... C'est que je passe vite sur les peines et les erreurs au profit de ces petits bonheurs souvent insignifiants qui vous gonflent le coeur...

7/ C'était comment le lycée ? Dans ces bras-là ( Laurens)
C'était dans les bras de personne! On était une bande de copains romanesques et rêveurs, littéraires et un peu fous... Les mots comptaient plus que les gestes que l'on n'osait pas!

8/ Comment pouvez-vous avancer dans la vie ? Les filles de feu (Nerval)
Avec hargne, je pense. Avec une foi teintée d'orgueil. Le titre correspond bien. On me demande souvent si cela m'arrive parfois d'être calme et détendue...

9/ Quelle est la meilleure chose à propos de vos amis ? Un sens à la vie (St Exupéry)
En effet. J'aurais cherché des amis meilleurs, plus présents, plus aimants, non, je n'aurais pas trouvé...

10/ Quoi de prévu ce week-end ? La fille aux orages (Anglade)
(gloussement bêta!) Euh, là, je vois pas... Si ce n'est que j'aime les orages, que ce sont les moments où je me sens le mieux... Mais aucun n'est prévu pour ce week-end!! Mistral déchaîné au programme!!

11/ Pour décrire vos grands-parents ? J'irai pas en enfer (Fournier)
J'espère bien mais le rapport avec les grand-parents???

12/ Comment va votre vie ? Le livre des Nuits (Germain)
Hum, pourquoi pas... Une histoire compliquée, de la passion, les aléas de la vie...

13/ Quelle chanson jouera-t-on à votre enterrement ? Quel livre lirait-on? A ce soir (Adler)
Pourquoi pas? C'est un joli message...

14/ Comment le monde vous voit-il ? Je vais t'apprendre la politesse (petit con!) (Fournier)
(éclat de rire!) Parfaitement bien trouvé!! Autoritaire, un brin revêche et à cheval sur les convenances! Une prof, quoi!

15/ Aurez-vous une vie heureuse ? Les deux moitiés du ciel (Chatrier)
(sourire) Si les deux moitiés du ciel restent ensemble, ça doit être oui!

16/Qu'est-ce que vos amis pensent vraiment de vous ? Les Amours (Ronsard)
Quelqu'un a-t-il un aveu à me faire???

17/ Est-ce que les gens vous désirent secrètement ? Le meilleur des mondes (Huxley)
Eh, eh, dans le meilleur des mondes, tout est possible!!

18/ Comment me rendre moi-même heureux ? L'ami retrouvé (Uhlman)
Bon, et bien, viens me retrouver!!

19/ Que devriez-vous faire de votre vie ? Les chemins secrets (Smucker)
Et bien soit emprunter moi-même des chemins secrets, soit laisser les autres les emprunter pour m'y trouver!!

20/ Aurez-vous des enfants un jour ? 9 mois de réflexion (Zigman)
Whaow! J'aurais voulu le faire que je n'y serais pas arrivée! Ben voilà, laissez-moi 9 mois, après, je réponds!

21/ Sur quelle chanson (texte) feriez-vous un strip-tease ? La poursuite du bonheur (Kennedy)
Evidemment! Sinon, pourquoi faire un strip-tease?

22/ Si un homme dans une camionnette vous offrait un bonbon, que feriez-vous ? L'enfant qui ne voulait pas grandir (Eluard)
Et bien je répondrais comme quand j'étais petite : "Je n'aime pas les bonbons, merci, Monsieur"...

23/ Qu'est-ce que votre maman pense de vous ? Le message (Chédid)
Dans l'histoire, une femme blessée fait tout pour rejoindre son fiancé pour lui dire qu'elle l'aime. Je suppose donc que c'est là ce que pense ma mère!

24/ Quel est votre plus sombre secret ? Lutins et Lutines (Morvan)
Ce n'est pas un sombre secret! J'en parle assez dans mes histoires! Je crois aux fées!

25/ Quelle est la chanson emblème de votre ennemi mortel ? Comment je suis devenu stupide (Page)
Ben voilà! Si tu es mon ennemi mortel, voilà ce que je pense de toi! (rires)

26/ Quelle est votre personnalité ? Ensemble, c'est tout (Gavalda)
Euh... J'ai un esprit tourné vers la meute? vers mon clan? Oui, c'est pas faux!

27/ Quelle chanson jouera-t-on à votre mariage ? Quel livre lira-t-on? La Belle aux oranges (Gaarder)
On n'y a rien lu, mais j'aurais bien aimé. Ce livre a une histoire : tout d'abord, c'est mon livre préféré! Ensuite, une veille de Noël, alors que j'étais très loin de mon Chéri, je l'ai recopié sur l'ordinateur et je le lui ai envoyé bout après bout durant toute la période de l'Avent...

28/ Où a eu lieu votre premier rendez-vous ? Fêtes Galantes, Romances sans paroles (Verlaine)
(sourire) Ben, c'est étrange!! Dans un parc, sans rire!! Mais contrairement à l'univers de Verlaine, pour nous, c'était un parc inondé de soleil, riant et plein d'enfants...

29/ A quoi ressemblerez-vous quand vous serez vieille/vieux ? La métamorphose (Kafka)
Je ne sais pas comment le prendre, là! Je vais ressembler à une grosse blatte??? Non, retenons plutôt le côté philosophique : j'aurais mûri, je serais métamorphosée par ma sagesse! (comme je m'arrange!! Hi hi hi!)


Voilà! Mission accomplie!





VALSE

Un - deux - trois ; un - deux - trois, une valse Madame?
Belle mie, mes respects, donnez-moi votre main...
Un - deux - trois, voltigeons, laissez voler votre âme,
Rejoignons les danseurs ou ce soir sera vain.

Un - deux - trois ; un - deux - trois, les robes tourbillonnent.
Folle ivresse! Oh mon coeur, est-ce qu'il permettra?
Un - deux - trois, cher Monsieur, mon front las s'aiguillonne!
De grâce, il faut cesser, donnez-moi votre bras...

Mais la valse, la valse! Reprenons la posture :
Bonne amie, "un - deux - trois" nous dicte la mesure!
Valsons donc, voulez-vous? Votre galant le veut!

Un - deux - trois, que le temps, un court instant, se fige ;
Valsons jusqu'au baiser car la valse l'exige.
Un - deux - trois, voulez-vous? Nous sommes son seul voeu...

mercredi 29 août 2007

QUESTIO-MIAM


Bon, en effet, Faffwah, mon jeune blog n'a jamais vu ça mais comme je ne me la pète pas Mme de Sévigné et que mon blog n'a pas non plus vocation prétentieuse de salon littéraire, à mon tour de jouer le jeu!

1/Les cinq choses que j'achète à chaque fois que je fais les courses.

- Des fruits et des légumes. C'est incontournable! Je fais mon marché avec panier ou cabas tous les mardis matins dans Montfrinbourg. Je me fais un point d'honneur à cuisiner équilibré alors, on se nourrit beaucoup des produits de saison de la région, c'est aussi bon pour la planète!

- des "fondamentaux" : farine, levure, sucre, oeuf, beurre, crème fraîche, lait. Je cuisine beaucoup, j'y passe des après-midis entiers et je fais également mon propre pain, mes propres pâtes. Forcément, les fondamentaux sont des habitués de mon chariot! En fait, rien que ça, ça fait déjà 7 articles mais bon...

- du café. Marinounet en boit beaucoup. Moi, moins, je suis plus thé.

- du fromage. De l'emmenthal, du fromage de chèvre, de la tomme des pyrénées... Moi, je l'aime plutôt cuisiné mais il y en a toujours toujours à la maison.

- boîtes, croquettes et litière... Impossible de faire sans. Je pense que Kréma, Léo et Eden me mangeraient!! lol

2/ Les cinq choses que j'achète de temps en temps.

- Des plats tout prêts. J'aime pas trop, c'est pas notre truc. Mais ça aide bien après une journée de travail trop remplie ou les jours de grosse flemme. Même les purées, on les fait maison!

- Des chips et biscuits apéritif. Forcément, vu ce qu'on mange, c'est pas pour précéder le repas équilibré de ce genre de trucs! Mais faut avouer que c'est super bon...

- Du poisson frais. C'est excellent mais c'est vite hors de prix. Je l'achète surgelé...

- Du chocolat. Il n'y en a pas toujours à la maison parce qu'il disparaît mystérieusement en quelques jours (heures!)

- Des plats chinois. Marinounet en raffole.

3/ Les cinq choses que je n'achèterai jamais.

- Des produits détergents qui ne sont pas labellisés bio/écologiques. C'est une de nos croisades.

- Des bonbons. Je n'aime pas le sucré.

- Des bananes. Je les déteste et mon estomac aussi! Exit!

- De la viande de cheval. Autant essayer de me faire manger mes chats!

- Du pain... Eh eh, le mien est bien meilleur et vu l'inflation prévue, bien moins cher!!

- Je sais, je triche, mais j'en ajoute un parce que ça me taraude : l'eau de javel! (à la limite, il y en a chez moi depuis que Belle-Maman en a acheté pour rendre blanc du linge, et j'avoue que là, c'est efficace!) Vous savez : la super invention qui tue tous les microbes que c'est tellement trop bien que maintenant, le corps s'est déshabitué aux bactéries et réagit par moultes allergies! Ben oui, c'est sa faute et la faute à tous les détergents surpuissants qui bousillent tout et nous d'abord. Je suis pas du genre à vivre dans la crasse mais sérieusement, il ya d'autres moyens d'en venir à bout. Mon blog est littéraire mais on m'a tendu la perche, je suis une écolo, une vraie et le pire, c'est que ça s'arrange pas d'année en année...

Voilà! J'envoie la balle maintenant à Richard et Simplement Moi qui vont se régaler de répondre!! (hein, pas vrai, les copains??)

vendredi 24 août 2007



BLANCHE ET BAPTISTE


Blanche et Baptiste s'aimaient. Profondément. Infiniment. Ainsi, le jour de leur mariage avait été marqué par la liesse de tous les villageois. Les deux jeunes gens étaient bons et respectueux. Leur petite maison résonnait des éclats de rire de Blanche et des chants de Baptiste. Ils étaient de bons voisins, honoraient les esprits sylvestres, les êtres de l'eau, préférant se passer d'un stère de bois ou d'un broc d'eau plutôt que de déranger dans son sommeil une sylvide ou une dryade.

Hélas, le malheur frappe les yeux fermés les esseulés comme les bien-aimés : Blanche fut terrassée par le mal du vent de l'ouest.

Plein de chagrin, Baptiste porta sa Blanche dans leur lit, frêle oiseau aux cheveux pâles. Il la veilla nuit et jour, la confia aux soins des docteurs et des enchanteurs et quand ceux-ci lui dirent qu'il n'y avait plus d'espoir, il courut par la forêt supplier les sylvestres, les célestes et les autres de leur venir en aide. Mais personne ne lui répondit. Les esprits ne le méprisaient pas, non, bien au contraire, ils étaient émus de voir cet homme éperdu les prier de sauver son amour, mais ils n'avaient pas le don de vie ou de mort.

Baptiste aurait pu laisser son coeur aux herbes folles de la colère, de la révolte. Ce ne fut pas le cas. Accablé, il retourna à sa chaumière. Il ne quitta plus un instant son aimée et il lui tenait la main quand sa dernière lueur de vie fut emportée par l'oiseau du matin. Il ferma alors les yeux de toutes ses forces pour graver le dernier regard gris de brume qu'elle lui avait offert...

Il sortit.

Tous les villageois s'étaient massés autour de la maisonnette, attristés ou désolés. Mais foudroyé de douleur, Baptiste ne les vit pas. Il s'avança parmi eux tel un automate et, à la stupéfaction générale, il s'enfonça dans la forêt.

Une fois seul dans une petite clairière, il laissa éclater sa peine sous le regard consterné du peuple féerique. Alors, une sylvide eut pitié de Baptiste et s'approcha de lui. elle secoua un peu les brindilles de ses cheveux avant de poser une main d'écorce palpitante sur l'épaule de l'homme. Et, sans se soucier de l'air stupéfait de Baptiste, elle prit la parole et sa voix parlait le langage des oiseaux :

- "Homme, nous sommes bien tristes pour toi. Nous ne pouvions rien contre le mal du vent de l'ouest. Mais pare ta femme de sa plus belle robe et nous ferons en sorte qu'elle ait le plus beau lit d'éternité. Ainsi, elle ne sera pas oubliée..."

Baptiste fixa un moment les yeux de nuit de la sylvide, pressa sa main d'écorce dans la sienne pour lui dire sa reconnaissance et il s'exécuta. Il rentra au village où tous l'attendaient. Il revêtit Blanche de la blanche robe de leurs noces, sans un mot d'explication, la prit dans ses bras et l'emporta dans la forêt, suivi des villageois qui pensaient qu'il avait perdu la tête. Il déposa le corps de sa bien-aimée sur le sol épineux de la clairière et fit un pas en arrière.

Des murmures s'élevèrent de la foule des villageois : devant eux s'avançaient sylvides, dryades, elfes, lutins, fées et toutes sortes d'êtres qu'il aurait été difficile de nommer. Ils firent cercle autour de Blanche et se mirent à psalmodier des mots incompréhensibles. Blanche s'éleva dans les airs et s'immobilisa un instant. Une dryade invita Baptiste à l'embrasser une dernière fois. Puis son corps devint clair comme le cristal, se désagrégea en une myriade de lucioles qui se propulsèrent dans le ciel de la nuit en une pluie de minuscules étoiles. Quand tout fut fait, une dryade pointa du doigt un point étincelant dans le ciel : les Féeriques avaient fait de Blanche la plus lumineuse étoile du ciel...

L'histoire aurait pu s'achever là. Mais l'amour infini va bien au delà... Toutes les nuits, Baptiste venait s'asseoir dans la clairière de Blanche. Chaque nuit de sa vie, Baptiste contempla l'étoile de sa Blanche tant aimée. Le jour, il était toujours aussi bienveillant, sage et travailleur. Mais en perdant sa Blanche, il avait perdu le goût paisible du sommeil, et il lui réservait les heures solitaires de ses nuits.

Les sylvides l'observaient, ressentant dans leur coeur sans âge les meurtrissures de son propre coeur.

Au crépuscule de sa vie, il vint les trouver dans la forêt. Il leur dit qu'il avait bien oeuvré tout au long de sa vie, qu'il était bien fatigué et qu'il sentait bien qu'il avait fait son temps. Puis il leur demanda si, à présent, il pouvait rejoindre sa bien-aimée. Les Invisibles se consultèrent mais eurent tôt fait d'être d'accord. Alors, dans un soupir, le sourire aux lèvres, Baptiste s'allongea sur le sol chargé d'humus et s'abandonna enfin aux délices du sommeil, sans convoquer le réveil.
A nouveau, le peuple de la forêt fit cercle. A nouveau, il psalmodia des paroles étranges et Baptiste s'éleva dans les airs avant que son corps ne s'efface et qu'une myriade d'étincelles ne s'envole dans la nuit. Une dryade leva la tête en souriant : une étoile iridescente vint rejoindre l'étoile de Blanche qui l'attendait, solitaire, dans son coin de ciel. Quand les deux astres furent réunis, ils ne formèrent plus qu'une seule étoile aux contours nacrés qui se détacha du ciel et fusa dans l'air figé.

On dit que voir une étoile filante permet de faire un voeu. C'est que les étoiles filantes sont un souvenir vivace de Blanche et Baptiste que le peuple de la forêt nous offre, une trace fugace d'un amour infini. Si vous en apercevez une, n'hésitez pas, faites un voeu...

jeudi 23 août 2007

PASSE-VELOURS



Près de la cheminée, les pattes en manchon,
Rêvant et méditant, sujet de porcelaine,
Il compose le temps, son petit barbichon
Trempé dans le feu blanc de son coussin de laine.


Dans ses yeux, on peut voir des moires de diamants,
Des cratères de lune et des soies de secrets.
Il murmure sans fin son bel canto dormant,
Indifférent au monde et aux bruits indiscrets.


Si la main le caresse, son manteau de satin
Se déploie, se détend et son abord hautain
Se froisse élégamment. Puis l'étoffe feutrée


Frôle, effleure et s'échappe avant de s'élancer.
Insaisissable et doux, il semble nous tancer.
Altier, le chat chaloupe en sa livrée lustrée.

mardi 31 juillet 2007


AELYS ET LA RIVIERE
C'était l'été. Un ciel bleu myosotis dansait dans les ramures des peupliers. On entendait des oiseaux lancer des trilles enjoués dans l'air figé et les cigales grésiller. Entre les voiles de chaleur, Aélys s'avançait tranquillement. La jeune fille aux longs cheveux de soie noire, à demi cachée sous un vaste chapeau de paille claire, s'approchait sans se presser de la rivière qui, à cette heure, lisse comme un ruban liquide, s'appliquait à saisir les rayons du soleil.

Elle s'assit au bord de l'eau, se déchaussa et, relevant légèrement son jupon, plongea ses pieds dans l'eau fraîche. Elle n'était que silence et rêveries et laissait sa main courir dans l'eau dormante qui s'enroulait entre ses doigts, les caressait, les pressait légèrement.

Lorsqu'elle retira sa main de l'étreinte étrange de l'eau, elle s'aperçut qu'elle n'avait plus l'anneau d'argent qu'elle portait toujours à l'annulaire. Elle fut frappée de stupeur et, à genoux au bord de la rivière taiseuse, son jupon étalé autour d'elle, elle plongea ses mains dans l'eau figée. A tâtons, elle cherchait son anneau dans le doux limon qui troubla bien vite l'eau. Sans vraiment s'en rendre compte, toute à sa recherche, elle avançait lentement, certaine de discerner le vif éclat de l'anneau un peu plus loin, un peu plus loin encore, un peu plus loin... Lorsqu'elle crut enfin le tenir, elle plongea la main dans l'eau jusqu'à l'épaule et eut la frayeur de sentir quelque chose l'entraîner avec force vers le fond. Elle s'enfonçait rapidement et privée d'air, pensa qu'elle allait finir sa vie là. Mais au moment où ses poumons étaient prêts à éclater, ils se remplirent alors d'un air liquide qu'elle aspira avec effroi.

Face à elle, la maintenant solidement par le poignet, se tenait une créature affreuse, au corps blanchâtre et écailleux, un peu visqueux et au faciès de poisson. Aélys tenta bien de crier mais son cri sortit assourdi dans un glouglou de bulles. Elle tenta alors de s'enfuir mais son corps était lourd, engourdi par le froid et la peur, bizarrement faible. L'horrible créature s'approcha, l'empoigna par ses longs cheveux qui se mêlaient aux algues et la jeta dans un repli de la grotte.

Toutes les rivières recèlent ce genre de mystères inquiétants et nombre de jeunes filles et d'enfants disparaissent sans que l'on sache vraiment ce qu'ils sont devenus. Souvent, ces créatures aquatiques enlèvent les êtres d'en haut qu'ils envient pour leur liberté, afin de s'en faire aimer ou pour ne plus être seuls dans les solitudes aquatiques. Mais la bête de la rivière ne cherchait pas à se faire aimer. Elle se délectait du désespoir d'Aélys, y puisait une joie immense et froide. Aélys, qui n'était retenue par aucun mur avait bien essayé de s'enfuir et cela lui sembla au début bien facile mais une fois à la surface, ses poumons s'étaient comprimés violemment et elle avait été contrainte de replonger bien vite dans l'eau. Par un sortilège machiavélique, Aélys ne pouvait plus réintégrer le monde d'en haut...

Alors, elle poussait des cris muets et pleurait des larmes qu'elle ne sentait pas couler, tiède symbole de sa vie, sur ses joues diaphanes. Elle passait son temps à faire glisser entre ses doigts pâles le limon du fond de la rivière, en regardant avidement la forme troublée de la lune. Parfois, elle tentait à nouveau de refaire surface, souffrait mille maux en tenant obstinément sa tête hors de l'eau mais, inconsolable, elle replongeait toujours. Quant à la bête cruelle qui l'avait réduite à cette triste condition, elle lui apportait toutefois du poisson cru et des algues pour la nourrir, tenant absolument à ce que sa prisonnière reste à sa merci, vivante, le plus longtemps possible. Elle obligeait Aélys à passer ses douces mains dans l'amas verdâtre et poisseux de ce qui lui servait de cheveux, elle la contraignait encore à la regarder, à la sentir, toute proche, à toucher sa peau... Mais jamais Aélys ne lui faisait le plaisir de lui montrer son dégoût, tout au plus affichait-elle un pur mépris.

Une nuit de pleine lune, Aélys, plus mélancolique que jamais, s'approcha de la surface de l'eau, tout près du rivage. Elle avait été attirée par la lueur orangée d'un petit feu et à travers sa prison d'eau, elle observait ceux d'en haut. Elle eut très peur quand elle vit s'approcher d'elle le visage tout rond, roux et barbu d'un petit homme et, comme un petit poisson peureux, elle plongea vers le fond. Quand elle vit qu'il ne la poursuivait pas, elle remonta et vit le même visage la regarder avec curiosité. Le visage barbu plongea dans l'eau et lui sourit. Aélys, inquiète, troublée, esquissa un sourire mais ce fut difficile car cela faisait bien longtemps qu'elle ne souriait plus. Elle fut alors stupéfaite : la visage, sans bouger pourtant les lèvres, lui parlait :

- Bonjour, être de l'eau, es-tu une sirène?
Elle secoua la tête de droite à gauche.
- Comment tu t'appelles?
Elle ne sut pas comment répondre et se contenta de hausser les épaules.
- Moi, je m'appelle Lullaby, je suis un lutin. Qu'est-ce que tu fais là si tu n'es pas une sirène?
Aélys baissa la tête, si triste de ne pas pouvoir discuter avec cet étrange gnome. Lullaby comprit ce qui la chagrinait et lui dit :
- Ne cherche pas à me parler si tu ne peux pas... Contente-toi de penser tes paroles et je t'entendrais si tu me le permets.

S'ensuivit une étrange conversation entrecoupée de haltes car Lullaby devait reprendre son souffle en sortant la tête de l'eau. Le visage du lutin devenait de plus en plus grave au fur et à mesure que Aélys lui racontait son histoire et, la dernière fois qu'il sortit la tête de l'eau, il était consterné.
-***Peux-tu m'aider?*** demanda Aélys en pensée.
Lullaby réfléchit à l'air libre un moment. Peut-être en retrouvant l'anneau???

Toutes les nuits, le lutin venait tenir compagnie à Aélys. Il la trouvait belle mais blême et triste, les yeux voilés, les lèvres trop claires. Chaque soir, il partait à la pêche sur une petite barque pour tenter de récupérer l'anneau mais en vain. Aélys, de son côté, sondait le limon en le laissant glisser inlassablement entre ses mains livides.

Hélas, la vilaine créature du fond de la rivière surprit le manège de sa captive et fut remplie de fureur. Une nuit, il suivit Aélys jusqu'au rivage et découvrit son complice. Fou de colère, il se précipita sur Lullaby, les bras tendus dans sa direction, prêt à l'entraîner lui aussi dans son antre. Mais Aélys avait eu le temps de se retourner, de discerner la silhouette de l'odieuse bête et d'alerter son nouvel ami. Le lutin avait saisi prestement un tison du feu qui crépitait à côté de lui et en avait menacé la monstrueuse créature. S'ensuivit une lutte acharnée qui entraîna le lutin dans l'eau. Le tison s'était bien entendu éteint et c'est à mains nues qu'ils s'affrontaient à présent. Au moment où la créature de l'eau croyait bien avoir vaincu ce sale enquiquineur, Lullaby mit la main à la poche de son paletot et en sortit une pierre de lune, pas plus grande qu'un oeuf de poule. Elle scintilla dans la lumière bleutée de la nuit avant que le lutin la jette de toutes ses forces en plein dans le visage de la créature de l'eau. Cette dernière hurla en tenant sa tête à deux mains puis se figea comme une hideuse statue. Lullaby remonta à la surface pour prendre une goulée d'air salvatrice et replongea dans l'eau glacée. Quelque chose attira son regard, quelque chose qui brillait au cou de l'affreuse statue. Lullaby s'approcha et arracha de son cordon un petit anneau d'argent. A ce moment précis, il entendit un hurlement déchirant derrière lui et, se retournant vivement, il vit Aélys fermer les yeux et tomber au fond de la rivière. C'est avec grand peine qu'il réussit à la tirer hors de l'eau. Aélys était inanimée, morte peut-être. Le lutin lui passa au doigt l'anneau d'argent qu'ils avaient tant cherché, l'étendit près du feu et sortit de la besace qu'il gardait toujours avec lui une flûte à trois trous dont il se mit à jouer. C'était une mélopée simple et entêtante qui tenait du bruit du vent dans les arbres, du clapotis joyeux des cascades et du chant des oiseaux. Il joua longtemps, s'interrompant parfois pour contempler son amie et quand il vit le soleil se lever, il éteignit le feu, rassembla ses affaires, caressa doucement les cheveux encore humides de la brune Aélys et pffft! s'évapora dans la lueur matinale.

Certains suggérèrent qu'Aélys s'est probablement égarée avant d'avoir été retrouvée par un chasseur ou un berger. D'autres affirmèrent que le monstre de la rivière l'avait sans doute enlevée pour en faire son épouse. Aélys ne dit jamais ce qu'elle avait vécu, ce qui ne fit qu'accroître le mystère... On dit qu'elle avait, ce matin-là, un regard effaré et la pâleur des morts qu'elle avait sans doute côtoyés. On dit qu'elle racontait des histoires abracadabrantes de créature aquatique et de lutin et qu'elle avait certainement perdu un peu de sa raison. On dit aussi que depuis lors, plus aucune jeune fille ne disparut au bord de la rivière et qu'un prince avait sans doute terrassé le dragon de l'eau qui vivait là... D'aucuns ont continué à faire des offrandes à la rivière pour qu'elle n'emporte plus leurs petits... On dit encore que l'anneau qu'Aélys portait à son annulaire gauche lui permettait de voir ce que les êtres d'en haut ne voient jamais et qu'elle était un peu sorcière... comme tous ses descendants d'ailleurs.

Lullaby en rit encore : ce que les hommes sont fantasques! Il ne s'agissait de rien d'autre que d'une jeune fille aux yeux chagrins qui eut la malchance de s'enfoncer un peu trop avant dans le royaume d'une bête aquatique primitive et d'un anneau devenu magique par la force des choses... Tout le reste n'était que pure fantaisie et si Aélys continua à voir son ami lutin, c'est juste parce qu'il allait parfois lui rendre visite les nuits sans lune et qu'elle croyait en lui. Certains cherchent encore l'anneau d'argent d'Aélys qui, soit disant, ouvre la porte de Féerie! Ce n'est pourtant qu'un stupide anneau sans le moindre pouvoir... Mais n'en parlez surtout pas! Les enfants en tireront peut-être une juste leçon de sagesse... et un rêve à poursuivre...

mercredi 18 juillet 2007

FORCE ARDENTE

Ami, si tu te perds, si ton âme te pèse,
Si les sombres kobolds t'éreintent de noirceur,
S'il convainquent ton coeur de leurs tristes fadaises,
Viens et nous parlerons, l'heure sera douceur.

Frère, si chaque jour te réduit à la peine,
Si les vils gobelins te noient de désespoir,
S'ils contraignent ta vie à l'effroi et aux chaînes,
Viens et nous parlerons, laissant filer le soir.

Amour, si tu as peur, si pour toi, tout s'écroule,
Si les féroces trolls te livrent à leurs lois,
S'ils ruinent tes efforts, que ton rêve s'éboule,
Viens et nous parlerons, mes baisers feront loi.

Dragons, ogres et loups, vespérales sirènes
Peuvent bien essayer de tuer l'essentiel.
Krakens et korrigans, aux ombres de phalènes,
Adversité glacée, peuvent jeter leur fiel :

Moi, je convoquerais des armées de lumière,
Et je manderais Puck et bien d'autres lutins,
Elfes et farfadets et les nymphes altières
Se battront pour l'espoir, pour l'amour, le destin.

Après chaque mirage, après chaque tempête,
Nous nuirons à la nuit par la vive lueur
De milliers de chandelles et malgré les défaites,
Phénix ne pliera pas, bien vivant et vainqueur.

mardi 10 juillet 2007


TRAIN DE NUIT




C'est l'heure où la lumière n'est plus que gouttes d'or sur un dais de velours sombre. Janvier a glacé la ville déserte, Belle endormie sur ses longs bras antiques. Il enfonce un peu plus les mains dans ses poches et accélère le pas. Ce sera bientôt l'heure.


Le vent fait frémir les flancs du train. Quelques murmures sous le silence et sous la lumière trop blanche des veilleuses de nuit. Le nez collé à la vitre gelée, elle fouille l'obscurité, cherche un repère. Elle remonte un peu son manteau sur ses genoux et sourit. Ce sera bientôt l'heure.


Les pavés luisent de myriades d'étincelles sous ses pas. Les feux follets dansent devant lui. La buée blanche flotte et repose dans les airs. Il avance sans se soucier de la distance qu'il lui reste à parcourir. La ville est calme, cela lui plaît. Le froid lui rosit les joues. Qu'importe. Elle sera bientôt là.


Le contrôleur passe sans bruit, une lampe torche exténuée balayant faiblement le couloir. Elle ne dort pas. Son coeur s'est emballé aux dernières lueurs de la dernière ville traversée. Elle l'écoute : il bat la chamade. Elle goûte au délicieux tourment qu'il lui inflige. Elle tente de le tromper avec quelques pages d'un livre... Non, décidément, cette douce exaltation est trop précieuse. Qu'importe, il sera bientôt là.


Bien sûr, il est en avance. Le quai de gare est solitaire. Il est trop tôt, il fait trop froid, les autres attendent dans le ventre de la gare, sous les lumières curieuses. Lui ne se résout pas à les rejoindre. Il veut l'attendre ici, éprouver le tendre espoir des yeux du train dans le lointain, ressentir de tout son être la cruauté de cet Hermès de fer qui ne vient pas, qui prend son temps, qui se joue de sa patience. Il veut la chercher dans le flot d'anonymes, il veut laisser son coeur aller bien avant ses jambes vers elle, il veut... il veut... la voir enfin...


Elle a attendu le plus longtemps possible avant de ranger ses affaires mais elle n'y tient plus. Elle referme son livre sur la page qu'elle a relue dix fois et le borde dans son sac. Elle scrute son visage dans la noire opacité de la vitre. Elle lui sourit, s'interroge et fait ses nattes, lentement en conseillant en secret à son coeur de se faire plus discret. Elle le sent rire, rire de ce rire d'enfant, cristallin, en cascade, de ce rire si pur qui dit les indicibles bonheurs. Elle semonce le train de ralentir aux abords des villes replètes et les yeux tout grand ouverts, elle se laisse emporter par la gentille impatience de le voir enfin...


Un sifflet hurle dans la nuit de charbon. Il tressaille.


Pourquoi diable ce train freine-t-il si tôt? Elle frissonne.


Les yeux du train! Les yeux du train percent les entrailles de la nuit!


Les lumières de la gare l'étourdissent un bref instant.


Le voilà!


La voilà!


Les portes s'ouvrent. La foule sans nom se déverse, ruisselle et s'éparpille en flaques colorées sur le quai. Appesantie par le mauvais sommeil et les lourdes valises, elle s'amasse, s'étale, cherche son destinataire. Mais lui les ignore. Lui ne cherche qu'elle.


Les portes s'ouvrent. Les passagers se pressent sans entrain. Elle croit entendre son coeur hurler : "Avancez, de grâce!" mais elle ne dit mot pourtant, docile. Cela fait partie des règles du jeu. Elle attend encore, elle sait que ces dernières minutes, pesantes, fébriles, sont de celles dont elle se rappellera. Elle fixe obstinément le fond de la voiture, refuse l'appel ensorcelant des vitres, elle saura attendre encore un peu.


Wagon après wagon, ses yeux sondent la multitude.


Pas après pas, elle gagne le marchepied.


Son visage s'illumine : comment ne l'a-t-il pas vue plus tôt? Il ne voit plus qu'elle.


Elle quitte le train et s'autorise à le chercher. Son visage irradie. Comment a-t-elle pu attendre? Elle ne voit plus que lui.


La valise se couche, obéissante à leurs pieds. Il la fixe un moment, n'est-ce pas une illusion? Peut-il la toucher sans qu'évanescente, elle ne s'échappe? Il ose enfin et la prend dans ses bras. Il la serre fort, la soulève légèrement pour la garder, pour l'enlever au sol maintenant bruyant et la garder pour lui. Il glisse une main dans les remous tièdes de ses cheveux. Elle l'étreint, les yeux rieurs.


Ils se taisent.
Les mots n'auraient pas de sens, détachés de toute substance.
Ils se taisent.


La foule anonyme a quitté le quai sur la pointe des pieds. Ou alors n'y ont-ils pas pris garde... Eux n'ont pas bougé. Investis de leurs retrouvailles, ils se respirent et leurs lèvres se frôlent. Le vent tente de les chasser de ce quai de gare où il règne en maître. Mais ils l'ont oublié, qu'il maugrée!


Sa main retrouve le nid familier de sa main fine. Ils donnent enfin raison aux bourrasques. Et, telle une chimère déliquescente, ils s'enfoncent sous le dais sombre constellé de paillettes d'or de leur nuit de janvier.

dimanche 8 juillet 2007


LE LAC

Dans son écrin de forêt, le lac est lové. Son eau paisible renvoie le reflet des arbres aux feuillages sombres et parfois, le vol paisible d'oiseaux noirs. Pas un pli, pas une ride à la surface vert argenté. D'épais nuages le couvrent d'une brume songeuse.

La barque touche la surface du lac et dessine des lignes plus claires tout autour d'elle. Le petit bateau frêle avance sans bruit. Les rames se dressent, plongent, nagent et se redressent et une bruine fine caresse nos joues. Une main s'attarde dans l'étoffe de l'eau. Elle est délicieusement fraîche et le soir parfume l'air de ses nébulosités odorantes.


Le lac s'étire. Sur ses berges, on devine de petits sentiers qui, rendus à l'état sauvage, courent et sautent entre les arbres. On devine aussi de jolis chalets de bois brun, assis confortablement et devisant à mi mots, de petits jardins parfois, aux pelouses rases, des cheminées exhalant leur fumée légère dans l'air figé. Et, de loin en loin, des barques retournées sur les rives, et des pontons en bois, comme autant de bras tendus vers le lac, comme autant d'étreintes imperturbables et suspendues dans leur hâte.


La barque glisse de clapotis en clapotis. Les rames, sans s'émouvoir, fendent l'eau d'un rythme régulier. Le lac nous happe. En son milieu, le miroir est étrange et les arbres de la rive gauche semblent toucher les arbres de la rive droite, forêt irréelle, forêt aquatique à travers les branches de laquelle vont nicher des poissons de vif argent.


Des rires d'enfants parviennent jusqu'à nous, étouffés, disparus déjà, impression que le rêve nous a saisis. La barque s'approche d'un ponton dansant sans se presser. Elle s'y accote doucement. Elle est délestée de ses paquets et portée sur le rivage. L'heure est à la paix.


De gros nuages duveteux s'amoncellent maintenant au dessus du lac, comme la chevelure volage d'un vieillard. Le chalet ouvre ses portes sur son foyer chaleureux mais le lac ensorcelle, déjoue les artifices de la petite maison sylvestre. Assis sur le ponton, nous regardons en silence les kyrielles de petites fées qui valsent au dessus de l'eau. Parfois, elles touchent délicatement la surface lisse et laissent une empreinte ronde qui va en grandissant. Le soir couvre le lac et ses abords d'une couverture frangée de bleu et de gris. La quiétude est juste troublée par le crépitement d'un feu de bois près du chalet. Près du feu, on distingue les ombres mouvantes d'un groupe d'amis, les sourires complices d'une guitare. Mais sur le ponton, tout près de l'eau, tout nous vient assourdi, lointain, et la rêverie nous presse contre son coeur. Quelques gouttes de pluie annoncent l'averse prochaine. Mais avant de rentrer, l'âme embrasse le lac constellé de pampilles brillantes. Le bal des fées peut à présent commencer...

dimanche 1 juillet 2007


L'ARBRE ET L'HOMME

L'arbre est tombé. Navré de quitter la terre, il s'est résigné. Que faire, comment résister, lorsque l'on est juste né pour cette destinée? Etalé de tout son long, il déploie, impudique, ses ramages comme autant de jupons. Il s'est couché, fatigué, si fatigué. Il perd conscience.

Quand il revient à lui, le monde lui apparaît différent. Comme s'il était multiple. Comme si lui-même s'était multiplié. L'air n'a plus la profondeur de sa forêt natale. La vie y est bruyante. Cela l'indiffère. Il attend, là, paisible, dans la sagesse que lui donne l'âge. Il attend que quelque chose change.

Et puis cela vient. Il sent qu'on le touche, qu'on l'examine, qu'on le déplace. Il quitte un autre espace, il voyage. A-t-on jamais vu un arbre voyager?

Il a trouvé le bois qu'il cherchait. De longs pans bien droits, propres; un beau veinage. Il va pouvoir commencer. Et la main, sûre, commence un dialogue muet avec l'arbre. "D'où viens-tu?" et le pan devient planche. "Quand es-tu né?" Le rabot s'applique, passe et repasse, modère son pas, s'ingénie à négocier avec l'arbre. "Dans tes branches, des oiseaux avaient-ils niché?" La main ausculte, exigeante, caresse, s'attarde. "La nuit, le vent jouait-il dans ta ramure?" La main trace, dessine, marque... "La vie était-elle douce?" De nouvelles racines naissent, les pièces s'emboîtent, l'arbre se remet debout. "As-tu aimé la pluie?" Le ciseau à bois s'approche, amadoue le bois réticent, grave les arabesques, nouveau feuillage persistant. "Le temps t'a-t-il paru long parfois?" La main effleure, affine, masse. "As-tu eu mal?" La main nourrit, explique, raconte. "Je t'offre une nouvelle vie..." La cire embaume, rappelle à l'arbre la sève qui courait en lui. L'arbre savoure la vie qu'on lui insuffle. L'arbre se tient noble, tout droit, debout.

L'arbre soupire. Ainsi voici la nouvelle vie qui s'offre à lui? Soit. Ce n'est pas si mal. L'arbre se résume. Son corps est bien là, vivant, sublime. Il trône. Devant lui se tient l'homme. L'homme de sciure, l'homme de cire, l'homme de bois. L'homme sourit devant son travail accompli. Il respecte l'arbre. Il lui sourit. Il passe un dernier coup de chiffon sur une trace puis laisse glisser sa main sur le flanc de l'arbre. Il s'attarde. Sa peau est lisse, douce, ambrée. Il tressaille. Il lui semble que l'arbre a respiré... Il sourit à nouveau. Juste une impression sans doute.

L'arbre respire. Il se sent soudain proche de la main qui l'a fait renaître, qui caresse, la main d'un homme de bois.








mardi 26 juin 2007

A L'AUBE DU SOMMEIL



Quand la pensée s'embrume et dérive à l'envi,
Quand le corps se ravise et oublie ses repères,
Quand le coeur chavire et que le temps est ravi ,
L'âme délibérée s'abandonne au mystère.

Sommeil givré aux cils, comme des gouttes d'or,
Les rêves scintillants réclament la Magie.
La frontière est ténue, un peu plus et l'on dort,
Et l'âme vascille telle mille bougies.

Aux portes du sommeil, les ombres de velours,
Les souffles de la nuit seraient murmures d'ambre...
Les fées pourraient danser au chevet des Amours,
Et les faunes jouer des musiques de chambre.

A l'orée du sommeil, monde conditionnel,
Drapé de songes gris, alors tout est possible.
Le rêveur vous attend, Peuple des Eternels,
Laissez-le se bercer au lit des Invisibles.

lundi 18 juin 2007


LA PLACE DES RÊVES





Il fait des ricochets sur les les chemins de pierres. Il passe des heures à compter les gouttes de pluie qui glissent sur la vitre. Il a un cirque bien à lui où il présente un numéro très risqué de dressage d'escargots. Il dit que quand il est né, il parlait la langue des anges. Il joue à la marelle sur les trottoirs pavés. Quand il se promène dans la garrigue, il s'assied au pied d'un arbre et attend les cigales. Il dit qu'il a trouvé la clairière aux fées. Une plume de pigeon à la main, il écrit des pages et des pages dans des cahiers invisibles et ses histoires finissent toujours bien. Quand la nuit tombe, il pense que la Terre a fermé ses paupières. A la mer, il compte les vagues. Il a fabriqué une boîte magique pour attraper les rayons du soleil et il essaie d'en inventer une qui puisse emprisonner les couleurs de l'arc-en-ciel. Il rêve de les enfermer dans des crayons de couleur pour pouvoir, à loisir, dessiner et colorier les beautés du monde.

Si c'était un adulte, on crierait sans doute à la folie. "Ah, non, ma petite dame, il n'y a pas de place aux rêves dans la vraie vie! La vie, c'est du sérieux! Pas de place pour les originalités! Ah ça, non alors, ça n'est pas permis! "

En attendant, du bout des doigts, du bout des cils, assis par terre dans le chemin poudreux, il a décidé de compter les étoiles. Et immanquablement, il va se tromper quand il arrivera à 20! Il n'a que 5 ans alors, il a le droit. Le droit de rêver, le droit d'imaginer, le droit d'être un peu fou... ("Il n'est pas fou, ma petite dame, il est inventif! C'est une qualité!") Quand il sera grand - et il a bien le temps - alors, il oubliera sa boîte à attraper le soleil et les arcs-en-ciel. Il oubliera les fées. Il oubliera de regarder le bruissement des feuilles bousculées par le vent. Il oubliera de croire. Et il oubliera même qu'il a oublié...

Pour l'heure, il jure que non, que jamais il ne pourra oublier de rêver. Alors quoi? Alors peut-être bien... On pourra peut-être en faire un artiste...


LA NAISSANCE D'UNE FEE



Choisir un lit douillet, des feuillages d'automne,
Un petit coin discret, dans un joli pot jaune.
Attendre un clair de lune et cueillir la rosée
Qui en perles nacrées s'est métamorphosée.
Les toiles d'araignée, parures éphémères,
En luisent au matin dans les primes lumières.

Planter soigneusement une graine de fée
Et recouvrir de neige, oui, ce sera parfait!
Poser le pot à fée à l'abri d'une ombrelle
Car le soleil pourrait gêner la demoiselle.
Dans son cocon fragile, elle aspire à vous plaire.
Reprenons s'il-vous-plaît, il y a fort à faire!

Une fée n'aime pas qu'on l'épie, qu'on l'observe.
Résistez à l'envie, restez sur la réserve,
Votre fée se fait belle et attend le printemps
Pour que ses ailes d'or papillonnent aux vents.
Pensez à lui tisser une robe légère
De rayons de soleil, de ruisseaux et de terre.

Le jour où vous verrez le bouton tout gonflé
d'une fleur inconnue aux mille et un reflets,
Regardez de plus près, la fée va s'éveiller.
D'abord les pétales vont vivement briller
Puis s'écarter un peu, la voilà qui paraît!
Révérence timide, vous voilà dans ses rêts!

Elle défroissera ses jupons colorés,
Puis ses ailes de feu, ses voiles de forêt.
Pensez à lui trouver un nom d'enchantement,
Quelque chose de frais qui rime avec charmant.
Si vous la cajolez, (les fées sont cabotines)
Vos rêves porteront son empreinte mutine.

vendredi 15 juin 2007

LA MAISON DE FAMILLE

Adossée au rempart du vieux village, ses volets jaune pâle fermés sur son histoire, elle médite. Dans la ruelle étroite et fraîche, tout près de la bergerie, une porte craquante s’ouvre. Les tommettes rouges déroulent leur mosaïque. L’air est parfumé d’encaustique et de temps suspendu.
Une grande horloge, orgueilleuse, monte la garde à l’entrée de l’escalier qui mène à l’étage. Elle attend juste que l’on fasse jouer sa clé quelques tours et que l’on ranime son balancier doré. Elle sonnera chaque demie, promettra de s’arrêter la nuit mais se trompera toujours.
La vieille dame chargée d’histoire écoute les aïeux qui hantent ses recoins. C’est qu’à plus de 200 ans, on ne s’en laisse plus compter ! Elle a vu les anciens assis dans la cheminée ressasser leurs souvenirs. Elle a vu les anciens se réunir autour de la grande table de ferme et discuter au fil des veillées à la lueur oscillante d’une lampe à pétrole. Elle en a connu, des peines et des joies. On l’a même dépossédée de quelques pièces, à une époque, avant de les racheter… Elle a vu les arrières grands-parents faire sauter sur leurs genoux les tout petits, elle les a vus , ces petits, s’amuser avec des marrons et les fruits de vigne vierge. Et puis elle a vu les plus vieux venir de moins en moins… Puis l’arrière grand-mère venir toute seule… et puis ne plus venir…
Oh, elle n’est pas « moderne », ce mot à la mode ! Les portes des buffets grincent et elle est trop froide l’hiver. Mais elle est là, digne vieille dame, image d’une époque paisible et laborieuse, symbole de l’histoire et de l’unité de toute une famille…
L’escalier aux nez de marche en bois monte en L vers les hauteurs. Il était bien dangereux quand il était ciré chaque année ! Chacun garde en mémoire une glissade formidable jusqu’au mur en bas !
A droite, deux chambres en enfilade, deux chambres aux grands lits grinçants. La première pour les grands, la deuxième pour les enfants dans laquelle quelques jouets subsistent.
Au fond, la chambre bleue. La chambre de jeune fille où toutes les demoiselles se sont succédées. La chambre aux murs bleus aux motifs délicats faits au pochoir et si fragiles qu’un revers de main les efface. La chambre bleue dans laquelle on ne s’appuie donc jamais aux murs… Un piano fier et désaccordé siège contre un mur, à côté d’un gros lit moelleux, ses deux chandeliers dépouillés de bougies. Dans la grosse armoire, des costumes se mélangent, vestiges de carnavals, et le boa déplumé s’amuse avec le chapeau haut de forme. Dans l’épaisseur du rempart, derrière le rideau, une fenêtre inonde la pièce de clarté. Une petite table porte un broc à eau et une cuvette, témoins de tant de toilettes d’avant l’eau à l’étage. Un miroir au tain fané renvoie une image malicieusement piquetée.
A gauche, la chambre des arrières grands-parents au grand lit tout gonflé trône. Au fond de la pièce, une coiffeuse en marbre étale ses richesses : de vieux flacons renfermant des parfums oubliés, de petites bouteilles de vernis séché aux taches de couleurs lumineuses, une brosse à cheveux… Sanctuaire respecté naturellement, qui conserve son parfum d’interdit malgré le temps qui passe, malgré les enfants devenus grands qui le traversaient à pas de velours et le cœur battant comme si quelque armoire eut pu trahir leur intrusion, pour monter à l’escalier plus pentu, plus récent qui a remplacé l’ancienne échelle de bois. C’est que tout en haut s’étend une longue pièce remplie de souvenirs, de coffres et de livres. La magnanerie a laissé ses derniers vers à soie se transformer en papillons pour devenir une sorte de caverne aux milles trésors. De là-haut, sur l’immense balcon, on admire les Cévennes qui s’étalent au loin. On y installe même des chaises, les jours d’orages pour en faire une salle de cinéma vivante !
A l’arrière de la grosse bâtisse, la grande terrasse couverte de vigne vierge donne sur une cour à deux niveaux. Les belles de jour minaudent avec les plantes grasses.
Encore aujourd’hui, j’y vois mon arrière grand-père assis sur une chaise casser avec un petit marteau des noix et des noisettes pour son arrière petite-fille qui, généreuse, lui en laissera un fruit sur deux. J’y vois mon petit frère à genoux sur la terrasse, un Pif ouvert devant lui, tentant de monter le dernier petit gadget que mon père terminera d’assembler… et qui ne fonctionnera jamais !
J’y lis mon enfance, mes origines, le livre de ma famille… J’entends le tic-tac de la grosse horloge , agaçante en début de séjour, si évidente à la fin que les premières nuits de retour, le sommeil viendra difficilement.
La maison de famille, l’Oustalet, le « coin à l’abri du vent » en patois. L’abri de notre cœur… Et si ses volets sont clos, elle continue, imperturbable, son labeur de mémoire auprès de tous les miens…

mercredi 13 juin 2007

TERRE DE RACINES

Mes yeux se sont perdus à chercher ton visage
Mais pourtant loin de toi, je vis dans ta maison.
Je ne peux oublier tes bras ni ton rivage
Puisqu'ils m'ont élevée au seuil de tes saisons.

J'ai couru tes chemins et ton âme sereine,
Sous ton soleil brûlant et sous tes cieux glacés.
J'ai lu tous tes secrets comme on entre en arènes,
Comme assoiffée de toi, sans jamais me lasser.

Peut-être fallait-il que le sort nous sépare
Pour que tous mes regards se muent en pur amour.
Peut-être fallait-il que l'avenir m'égare
Pour qu'enfin je te vive au delà du retour.

Je te vis fièrement, née du sang de ta terre.
Grandie d'un héritage inconnu aux lointains,
De cette humilité propre à ce peuple austère
Rendu fort et méfiant, je me vois dans ton tain.

Mon sublime foyer, tu sais bercer mon âme
Et je suis investie des parfums, des couleurs,
De tout ce que tu es, de tes multpiples flammes,
Comme un peu de ce toi qui m'emplit de chaleur.

Je te porte en bannière, en étendard d'étoile
Et le vent de ta veine éclate dans l'accent.
Je te porte en flambeau et mes mots me dévoilent,
Te révélant au monde, à jamais te fixant.

Je sais que rien ne peut m'éloigner de tes chaînes.
A mille lieux de toi, elle restent salut.
Celui qui me connaît sait bien où tu me mènes
Et saura voir en toi tout ce qu'il m'aura lu.

2001- Remiremont.

SUD

Il y a au mot Sud des paillettes d'éther,
Un peu d'éternité aux portes des villages.
Il y a au mot Sud une ombre qui se perd,
Et la latence amie du coton des nuages.

Les chemins des cigales, promesses d'infini,
S'attardent en détour, appellent la paresse,
Invitent les oiseaux au doux babil du nid,
Etablissent Nature en bucolique Abbesse.

Il y a au mot Sud les parfums entêtants,
Les pins du bord de mer, et le tamaris sage.
Il y a au mot Sud les tourbillons chantants
De tous les vents du Rhône, roi de paix et de rage.

Le soleil, maître-ami, rit de tous ses rayons,
Se joue, avec malice, de sa grande opulence,
Irradie, illumine, et tisse ses maillons,
Pour habiller le Sud de sa magnificence.

2002 - Remiremont.

mardi 12 juin 2007


SOUS-BOIS SECRET

C'est un jardin de pluie où les songes de plume
Prennent le relief flou des ombres de la nuit.
C'est un sentier caché, emmitouflé de brume
Qui mène aux doux secrets de la raison enfuie.

C'est une lettre émue, ivre de confidences ,
Confiée à l'écrin sûr d'un livre cent fois lu.
C'est une bulle d'or, sans regret, sans offense,
Dans un ailleurs étroit où le trouble s'est tu.

Sur le sentier caché, trouveras-tu peut-être
La sente qui descend à tout ce que je tais.
Peut-être y verras-tu ce qu'on ne peut connaître,
Ce que l'âme ressent, une once de beauté.

Les nuages seront des animaux étranges,
les fleurs renfermeront des fées et des lutins,
Les ondes chanteront la mélopée des anges
Et tout revêtira un petit air mutin.

Je ne te promets pas de réelles merveilles,
Juste un monde pluriel pour déguiser le coeur,
Pour rire des chagrins, pour oublier les veilles,
Un peu de féerie pour chasser les noirceurs.