mardi 26 juin 2007

A L'AUBE DU SOMMEIL



Quand la pensée s'embrume et dérive à l'envi,
Quand le corps se ravise et oublie ses repères,
Quand le coeur chavire et que le temps est ravi ,
L'âme délibérée s'abandonne au mystère.

Sommeil givré aux cils, comme des gouttes d'or,
Les rêves scintillants réclament la Magie.
La frontière est ténue, un peu plus et l'on dort,
Et l'âme vascille telle mille bougies.

Aux portes du sommeil, les ombres de velours,
Les souffles de la nuit seraient murmures d'ambre...
Les fées pourraient danser au chevet des Amours,
Et les faunes jouer des musiques de chambre.

A l'orée du sommeil, monde conditionnel,
Drapé de songes gris, alors tout est possible.
Le rêveur vous attend, Peuple des Eternels,
Laissez-le se bercer au lit des Invisibles.

lundi 18 juin 2007


LA PLACE DES RÊVES





Il fait des ricochets sur les les chemins de pierres. Il passe des heures à compter les gouttes de pluie qui glissent sur la vitre. Il a un cirque bien à lui où il présente un numéro très risqué de dressage d'escargots. Il dit que quand il est né, il parlait la langue des anges. Il joue à la marelle sur les trottoirs pavés. Quand il se promène dans la garrigue, il s'assied au pied d'un arbre et attend les cigales. Il dit qu'il a trouvé la clairière aux fées. Une plume de pigeon à la main, il écrit des pages et des pages dans des cahiers invisibles et ses histoires finissent toujours bien. Quand la nuit tombe, il pense que la Terre a fermé ses paupières. A la mer, il compte les vagues. Il a fabriqué une boîte magique pour attraper les rayons du soleil et il essaie d'en inventer une qui puisse emprisonner les couleurs de l'arc-en-ciel. Il rêve de les enfermer dans des crayons de couleur pour pouvoir, à loisir, dessiner et colorier les beautés du monde.

Si c'était un adulte, on crierait sans doute à la folie. "Ah, non, ma petite dame, il n'y a pas de place aux rêves dans la vraie vie! La vie, c'est du sérieux! Pas de place pour les originalités! Ah ça, non alors, ça n'est pas permis! "

En attendant, du bout des doigts, du bout des cils, assis par terre dans le chemin poudreux, il a décidé de compter les étoiles. Et immanquablement, il va se tromper quand il arrivera à 20! Il n'a que 5 ans alors, il a le droit. Le droit de rêver, le droit d'imaginer, le droit d'être un peu fou... ("Il n'est pas fou, ma petite dame, il est inventif! C'est une qualité!") Quand il sera grand - et il a bien le temps - alors, il oubliera sa boîte à attraper le soleil et les arcs-en-ciel. Il oubliera les fées. Il oubliera de regarder le bruissement des feuilles bousculées par le vent. Il oubliera de croire. Et il oubliera même qu'il a oublié...

Pour l'heure, il jure que non, que jamais il ne pourra oublier de rêver. Alors quoi? Alors peut-être bien... On pourra peut-être en faire un artiste...


LA NAISSANCE D'UNE FEE



Choisir un lit douillet, des feuillages d'automne,
Un petit coin discret, dans un joli pot jaune.
Attendre un clair de lune et cueillir la rosée
Qui en perles nacrées s'est métamorphosée.
Les toiles d'araignée, parures éphémères,
En luisent au matin dans les primes lumières.

Planter soigneusement une graine de fée
Et recouvrir de neige, oui, ce sera parfait!
Poser le pot à fée à l'abri d'une ombrelle
Car le soleil pourrait gêner la demoiselle.
Dans son cocon fragile, elle aspire à vous plaire.
Reprenons s'il-vous-plaît, il y a fort à faire!

Une fée n'aime pas qu'on l'épie, qu'on l'observe.
Résistez à l'envie, restez sur la réserve,
Votre fée se fait belle et attend le printemps
Pour que ses ailes d'or papillonnent aux vents.
Pensez à lui tisser une robe légère
De rayons de soleil, de ruisseaux et de terre.

Le jour où vous verrez le bouton tout gonflé
d'une fleur inconnue aux mille et un reflets,
Regardez de plus près, la fée va s'éveiller.
D'abord les pétales vont vivement briller
Puis s'écarter un peu, la voilà qui paraît!
Révérence timide, vous voilà dans ses rêts!

Elle défroissera ses jupons colorés,
Puis ses ailes de feu, ses voiles de forêt.
Pensez à lui trouver un nom d'enchantement,
Quelque chose de frais qui rime avec charmant.
Si vous la cajolez, (les fées sont cabotines)
Vos rêves porteront son empreinte mutine.

vendredi 15 juin 2007

LA MAISON DE FAMILLE

Adossée au rempart du vieux village, ses volets jaune pâle fermés sur son histoire, elle médite. Dans la ruelle étroite et fraîche, tout près de la bergerie, une porte craquante s’ouvre. Les tommettes rouges déroulent leur mosaïque. L’air est parfumé d’encaustique et de temps suspendu.
Une grande horloge, orgueilleuse, monte la garde à l’entrée de l’escalier qui mène à l’étage. Elle attend juste que l’on fasse jouer sa clé quelques tours et que l’on ranime son balancier doré. Elle sonnera chaque demie, promettra de s’arrêter la nuit mais se trompera toujours.
La vieille dame chargée d’histoire écoute les aïeux qui hantent ses recoins. C’est qu’à plus de 200 ans, on ne s’en laisse plus compter ! Elle a vu les anciens assis dans la cheminée ressasser leurs souvenirs. Elle a vu les anciens se réunir autour de la grande table de ferme et discuter au fil des veillées à la lueur oscillante d’une lampe à pétrole. Elle en a connu, des peines et des joies. On l’a même dépossédée de quelques pièces, à une époque, avant de les racheter… Elle a vu les arrières grands-parents faire sauter sur leurs genoux les tout petits, elle les a vus , ces petits, s’amuser avec des marrons et les fruits de vigne vierge. Et puis elle a vu les plus vieux venir de moins en moins… Puis l’arrière grand-mère venir toute seule… et puis ne plus venir…
Oh, elle n’est pas « moderne », ce mot à la mode ! Les portes des buffets grincent et elle est trop froide l’hiver. Mais elle est là, digne vieille dame, image d’une époque paisible et laborieuse, symbole de l’histoire et de l’unité de toute une famille…
L’escalier aux nez de marche en bois monte en L vers les hauteurs. Il était bien dangereux quand il était ciré chaque année ! Chacun garde en mémoire une glissade formidable jusqu’au mur en bas !
A droite, deux chambres en enfilade, deux chambres aux grands lits grinçants. La première pour les grands, la deuxième pour les enfants dans laquelle quelques jouets subsistent.
Au fond, la chambre bleue. La chambre de jeune fille où toutes les demoiselles se sont succédées. La chambre aux murs bleus aux motifs délicats faits au pochoir et si fragiles qu’un revers de main les efface. La chambre bleue dans laquelle on ne s’appuie donc jamais aux murs… Un piano fier et désaccordé siège contre un mur, à côté d’un gros lit moelleux, ses deux chandeliers dépouillés de bougies. Dans la grosse armoire, des costumes se mélangent, vestiges de carnavals, et le boa déplumé s’amuse avec le chapeau haut de forme. Dans l’épaisseur du rempart, derrière le rideau, une fenêtre inonde la pièce de clarté. Une petite table porte un broc à eau et une cuvette, témoins de tant de toilettes d’avant l’eau à l’étage. Un miroir au tain fané renvoie une image malicieusement piquetée.
A gauche, la chambre des arrières grands-parents au grand lit tout gonflé trône. Au fond de la pièce, une coiffeuse en marbre étale ses richesses : de vieux flacons renfermant des parfums oubliés, de petites bouteilles de vernis séché aux taches de couleurs lumineuses, une brosse à cheveux… Sanctuaire respecté naturellement, qui conserve son parfum d’interdit malgré le temps qui passe, malgré les enfants devenus grands qui le traversaient à pas de velours et le cœur battant comme si quelque armoire eut pu trahir leur intrusion, pour monter à l’escalier plus pentu, plus récent qui a remplacé l’ancienne échelle de bois. C’est que tout en haut s’étend une longue pièce remplie de souvenirs, de coffres et de livres. La magnanerie a laissé ses derniers vers à soie se transformer en papillons pour devenir une sorte de caverne aux milles trésors. De là-haut, sur l’immense balcon, on admire les Cévennes qui s’étalent au loin. On y installe même des chaises, les jours d’orages pour en faire une salle de cinéma vivante !
A l’arrière de la grosse bâtisse, la grande terrasse couverte de vigne vierge donne sur une cour à deux niveaux. Les belles de jour minaudent avec les plantes grasses.
Encore aujourd’hui, j’y vois mon arrière grand-père assis sur une chaise casser avec un petit marteau des noix et des noisettes pour son arrière petite-fille qui, généreuse, lui en laissera un fruit sur deux. J’y vois mon petit frère à genoux sur la terrasse, un Pif ouvert devant lui, tentant de monter le dernier petit gadget que mon père terminera d’assembler… et qui ne fonctionnera jamais !
J’y lis mon enfance, mes origines, le livre de ma famille… J’entends le tic-tac de la grosse horloge , agaçante en début de séjour, si évidente à la fin que les premières nuits de retour, le sommeil viendra difficilement.
La maison de famille, l’Oustalet, le « coin à l’abri du vent » en patois. L’abri de notre cœur… Et si ses volets sont clos, elle continue, imperturbable, son labeur de mémoire auprès de tous les miens…

mercredi 13 juin 2007

TERRE DE RACINES

Mes yeux se sont perdus à chercher ton visage
Mais pourtant loin de toi, je vis dans ta maison.
Je ne peux oublier tes bras ni ton rivage
Puisqu'ils m'ont élevée au seuil de tes saisons.

J'ai couru tes chemins et ton âme sereine,
Sous ton soleil brûlant et sous tes cieux glacés.
J'ai lu tous tes secrets comme on entre en arènes,
Comme assoiffée de toi, sans jamais me lasser.

Peut-être fallait-il que le sort nous sépare
Pour que tous mes regards se muent en pur amour.
Peut-être fallait-il que l'avenir m'égare
Pour qu'enfin je te vive au delà du retour.

Je te vis fièrement, née du sang de ta terre.
Grandie d'un héritage inconnu aux lointains,
De cette humilité propre à ce peuple austère
Rendu fort et méfiant, je me vois dans ton tain.

Mon sublime foyer, tu sais bercer mon âme
Et je suis investie des parfums, des couleurs,
De tout ce que tu es, de tes multpiples flammes,
Comme un peu de ce toi qui m'emplit de chaleur.

Je te porte en bannière, en étendard d'étoile
Et le vent de ta veine éclate dans l'accent.
Je te porte en flambeau et mes mots me dévoilent,
Te révélant au monde, à jamais te fixant.

Je sais que rien ne peut m'éloigner de tes chaînes.
A mille lieux de toi, elle restent salut.
Celui qui me connaît sait bien où tu me mènes
Et saura voir en toi tout ce qu'il m'aura lu.

2001- Remiremont.

SUD

Il y a au mot Sud des paillettes d'éther,
Un peu d'éternité aux portes des villages.
Il y a au mot Sud une ombre qui se perd,
Et la latence amie du coton des nuages.

Les chemins des cigales, promesses d'infini,
S'attardent en détour, appellent la paresse,
Invitent les oiseaux au doux babil du nid,
Etablissent Nature en bucolique Abbesse.

Il y a au mot Sud les parfums entêtants,
Les pins du bord de mer, et le tamaris sage.
Il y a au mot Sud les tourbillons chantants
De tous les vents du Rhône, roi de paix et de rage.

Le soleil, maître-ami, rit de tous ses rayons,
Se joue, avec malice, de sa grande opulence,
Irradie, illumine, et tisse ses maillons,
Pour habiller le Sud de sa magnificence.

2002 - Remiremont.

mardi 12 juin 2007


SOUS-BOIS SECRET

C'est un jardin de pluie où les songes de plume
Prennent le relief flou des ombres de la nuit.
C'est un sentier caché, emmitouflé de brume
Qui mène aux doux secrets de la raison enfuie.

C'est une lettre émue, ivre de confidences ,
Confiée à l'écrin sûr d'un livre cent fois lu.
C'est une bulle d'or, sans regret, sans offense,
Dans un ailleurs étroit où le trouble s'est tu.

Sur le sentier caché, trouveras-tu peut-être
La sente qui descend à tout ce que je tais.
Peut-être y verras-tu ce qu'on ne peut connaître,
Ce que l'âme ressent, une once de beauté.

Les nuages seront des animaux étranges,
les fleurs renfermeront des fées et des lutins,
Les ondes chanteront la mélopée des anges
Et tout revêtira un petit air mutin.

Je ne te promets pas de réelles merveilles,
Juste un monde pluriel pour déguiser le coeur,
Pour rire des chagrins, pour oublier les veilles,
Un peu de féerie pour chasser les noirceurs.