dimanche 7 octobre 2007




LES VISITEURS DE LA NUIT




Il était tard. La maison était calme et seul le babillage de la télé troublait le silence de cette fin de soirée. Les chats somnolaient, languides. Léo qui avait passé la soirée à jouer avec sa souris en peluche, était un petit soleil doré dans son panier, Kréma avait adopté la position du bouddha dans un de ses endroits de prédilection, la cuisine, et Eden ne laissait dépasser qu'une oreille frileuse de la courtepointe qui coulait du canapé.


Bercée par le tic-tac reposé de la pendule, je dus fermer les yeux un moment, quelques secondes tout au plus. Mais un objet roula à terre brisant la douce quiétude qui s'était installée. J'eus l'impression curieuse que l'air pesait plus lourd. J'ouvris les yeux et sursautai. Vous allez certainement me dire que j'ai rêvé mais non, vraiment, je ne peux pas le croire. D'un bond, je fus sur mes jambes, faisant tomber la courtepointe à mes pieds. Je me frottai les yeux vigoureusement : devant moi, se tenaient, aussi vrai que je vous vois, trois personnes qui me semblaient tout droit sorties d'un Dickens et toutes trois me regardaient, héberluées, comme surprises de se retrouver là.

- Que faites-vous chez moi? Sortez tout de suite!

Voilà ce que j'aurais voulu leur crier. J'aurais eu du mal à maîtriser les angoisses de ma voix, j'aurais menacé d'appeler la police, j'aurais gesticulé! Mais je ne fis rien de tout cela. J'étais figée par une sorte de curiosité mêlée de crainte et mon corps et ma voix ne m'obéirent pas. J'étais condamnée à attendre la suite des événements sans rien faire et mon coeur, battant à tout rompre était prêt à exploser. Impuissante, je les observais. Ils restaient là, eux aussi comme figés dans la posture qu'ils avaient lorsque je les avais surpris, stupéfaits, sans prononcer eux non plus le moindre mot. C'était vraiment étrange...

L'homme devant moi avait un certain âge sans être vieux et il portait un costume de majordome. Un air hautain flottait sur son visage dont le menton était orné d'une petite barbe noire qui lui donnait un petit quelque chose du mousquetaire. De sa poche, je voyais émerger des friandises qui enflaient l'apprêt de sa veste. En voilà un qui devait être un grand gourmand. Il ne me sembla pas dangereux et je décidai de continuer mon examen avec la femme qui se tenait en retrait.


Elle était d'âge mûr mais était pourtant très belle, avec un je ne sais quoi de félin. Elle grelottait sous un grand châle qui ne laissait s'échapper que quelques mèches gris et feu de sa chevelure. Ce qui me frappa le plus fut son regard, un beau regard vert et gris, profond et éloquent, un regard souriant et doux. D'elle, je ne pus en savoir plus car sa mise était simple et ne disait que grâce et délicatesse.

Restait le petit garçon assis par terre sur le tapis. Celui-là me regardait de ses grands yeux dorés, fixement, comme s'il essayait de m'interroger sur le grand mystère qui l'avait conduit ici, chez moi. C'était un beau petit garçon hirsute, roux comme un renard. D'ailleurs, ce petit air polisson qu'arborait fièrement sa frimousse ne mentait pas. Si lui non plus ne bougeait pas, son regard se promenait vivement tout autour de lui, et l'on sentait qu'il serait prêt à toutes les coquineries dès que le charme le libèrerait de son étreinte.

Bien malgré moi, j'avais fini par me détendre et par écouter ce langage muet que nous échangions. De chacun d'entre eux émanait un rayonnement, une force de vie éclatante, de celle des plus lointaines étoiles. Ils paraissaient être aux secrets du monde, sans même s'en soucier, comme si cela allait de soi. Je ne doutais pas une seconde du fait qu'ils n'étaient pas comme moi et qu'ils en savaient bien plus long que je n'en saurais jamais sur les rêves et les veilles et je finis par me surprendre à penser que peu m'importait qui ils étaient vraiment. Pourtant, une flamme vive et chaude m'assurait que je les connaissais, qu'ils étaient de mes intimes sans pouvoir cependant me rappeler où je les avais croisés.


Un objet roula à terre brisant la douce quiétude qui s'était installée. Je sursautai et ouvris les yeux. D'un bond, je fus sur mes jambes, faisant tomber à terre la courtepointe à mes pieds. Eden se retrouva ensevelie sous le tissu mais, sans s'en soucier outre mesure, elle replongea le nez dans ses pattes et se rendormit. Kréma, assis dignement dans la cuisine, m'observait avec une fixité si déconcertante que je détournai le regard. Quant à Léo, il me regardait avec malice, installé sans façon sur la table. C'était l'horloge qui était tombée à terre et j'aurais parié que c'était ce petit fripon qui venait de la faire tomber, la trotteuse l'intriguait toujours beaucoup !

Je secouai la tête : cela n'avait été qu'un rêve... Je souris songeant à ma candeur... Qu'en auriez-vous pensé, vous? J'en étais à ces réflexions, tout en ramassant l'horloge, quand je fus frappée d'une idée... Un vieux chat noir et blanc et un majordome, un gamin polisson et un chaton turbulent... J'interrogeai tour à tour mes trois chats qui me considéraient avec gravité comme s'ils...

Je respirai profondément en chassant bien vite cette idée saugrenue et me forçai à sourire, le coeur en déraison. Vraiment, mon imagination était bien trop fantasque!!



4 commentaires:

toomuch a dit…

Merveilleux, entre rêve et réalité ou est la frontière?
C'est toujours un réel plaisir de te lire

Unknown a dit…

Alors ce serait les chats qui… Peut-être… En tout cas, tu déroules ton récit et l'on se retrouve entre deux mondes et tu as fait osciller ma raison. C'est étrange en effet.

Unknown a dit…

Alors les chats seraient ... non !!! Trés beau récit tout de même, je me suis laissée emporter dans ce rêve qui peut être n'en serait pas vraiment un !

Phoebe a dit…

Z'ont l'air gentil tes chats à toi :-)