dimanche 1 juillet 2007


L'ARBRE ET L'HOMME

L'arbre est tombé. Navré de quitter la terre, il s'est résigné. Que faire, comment résister, lorsque l'on est juste né pour cette destinée? Etalé de tout son long, il déploie, impudique, ses ramages comme autant de jupons. Il s'est couché, fatigué, si fatigué. Il perd conscience.

Quand il revient à lui, le monde lui apparaît différent. Comme s'il était multiple. Comme si lui-même s'était multiplié. L'air n'a plus la profondeur de sa forêt natale. La vie y est bruyante. Cela l'indiffère. Il attend, là, paisible, dans la sagesse que lui donne l'âge. Il attend que quelque chose change.

Et puis cela vient. Il sent qu'on le touche, qu'on l'examine, qu'on le déplace. Il quitte un autre espace, il voyage. A-t-on jamais vu un arbre voyager?

Il a trouvé le bois qu'il cherchait. De longs pans bien droits, propres; un beau veinage. Il va pouvoir commencer. Et la main, sûre, commence un dialogue muet avec l'arbre. "D'où viens-tu?" et le pan devient planche. "Quand es-tu né?" Le rabot s'applique, passe et repasse, modère son pas, s'ingénie à négocier avec l'arbre. "Dans tes branches, des oiseaux avaient-ils niché?" La main ausculte, exigeante, caresse, s'attarde. "La nuit, le vent jouait-il dans ta ramure?" La main trace, dessine, marque... "La vie était-elle douce?" De nouvelles racines naissent, les pièces s'emboîtent, l'arbre se remet debout. "As-tu aimé la pluie?" Le ciseau à bois s'approche, amadoue le bois réticent, grave les arabesques, nouveau feuillage persistant. "Le temps t'a-t-il paru long parfois?" La main effleure, affine, masse. "As-tu eu mal?" La main nourrit, explique, raconte. "Je t'offre une nouvelle vie..." La cire embaume, rappelle à l'arbre la sève qui courait en lui. L'arbre savoure la vie qu'on lui insuffle. L'arbre se tient noble, tout droit, debout.

L'arbre soupire. Ainsi voici la nouvelle vie qui s'offre à lui? Soit. Ce n'est pas si mal. L'arbre se résume. Son corps est bien là, vivant, sublime. Il trône. Devant lui se tient l'homme. L'homme de sciure, l'homme de cire, l'homme de bois. L'homme sourit devant son travail accompli. Il respecte l'arbre. Il lui sourit. Il passe un dernier coup de chiffon sur une trace puis laisse glisser sa main sur le flanc de l'arbre. Il s'attarde. Sa peau est lisse, douce, ambrée. Il tressaille. Il lui semble que l'arbre a respiré... Il sourit à nouveau. Juste une impression sans doute.

L'arbre respire. Il se sent soudain proche de la main qui l'a fait renaître, qui caresse, la main d'un homme de bois.








6 commentaires:

Phoebe a dit…

Qui a fait ce dessin ?
Parce qu'on LE reconnaît très bien !!! ^^

Soleildoctobre a dit…

Ce sont mes dessins. J'apprends à manier les aquarelles...

faffwah a dit…

C'est vrai qu'il est très reconnaissable. Chapeau l'artiste!
Encore un bien joli texte aussi.

Unknown a dit…

Là, c'est sûr, décidément, un jour, tu devrais publier.
L'homme de bois, tu le connais bien, mais tu as choisi de transmettre le point de vue de l'arbre. Bien vu, c'est un témoignage envoûtant !

Unknown a dit…

Tu devrais penser à publier! Je me suis retrouvée tantôt dans une forêt odorante et la seconde suivante la cire à bois m'ensorcellait... L'homme de bois belle image mais le point de vue de l'arbre est magnifique !
Pour ce qui est de ton maniement de l'aquarelle, chapeau bas ! Tu es douée vraiment !

Phoebe a dit…

Bravo pour le dessin !