vendredi 18 janvier 2008

LISBETH LA FEE ET EPHAËL L'ELFE

Ephaël l’Elfe et Lisbeth la Fée s’aimaient profondément. Leur mariage était prévu pour le solstice d’été et le peuple magique au complet était en liesse et préparait cet événement qui scellerait la première alliance magique.

Mais un sorcier, un puissant sorcier venu du monde des humains, le maudit Yarak, était venu du monde des humains pour voler la magie de Féerie, en priver les hommes et ainsi, devenir plus fort et puissant dans son monde. Personne ne sait comment il avait découvert les atroces secrets pour s’emparer de la magie des êtres du petit peuple mais, en tout cas, il y avait assez d’horreur en lui pour les mettre en pratique. Et les fées étaient ses premières cibles car il lui était très facile de leur dérober leurs pouvoirs. Il attrapa Lisbeth car les êtres magiques n’étaient pas méfiants et se fiaient à la paix de leur monde. Il paraît qu’elle était en train de coudre une à une les fleurs d’opale sur son voile de mariée quand il abattit sa main osseuse sur elle. On trouva des fleurs d’opale disséminées sur des lieues… La légende dit que ces fleurs ne fanent jamais depuis. Je les ai vues, ces fleurs…

Yarak emporta Lisbeth dans son monde et il lui déroba sa magie de la manière la plus ignoble qui soit : il lui arracha les ailes. Il lui arracha les ailes et on dit qu’il les cousit avec les autres sur sa cape de voyage… On dit que de loin, le chatoiement des ailes de fées faisait penser à une aurore boréale…

Lisbeth perdit ses pouvoirs mais ne mourut pas. Une fée sans ses ailes ne perd pas son immortalité. Elle vit son agonie pour l’éternité…

Quand Ephaël revint de la forêt des Elfes où il avait préparé les fêtes du Solstice et qu’on lui révéla ce qui était arrivé à sa fée, il tomba à genoux et pleura sans pouvoir ni prononcer un mot, ni se relever. Il pleura longuement avant d’écouter les conseils de son cœur qui lui rappelaient que Lisbeth avait besoin de lui plus que jamais. Quand enfin il fut disposé à l’écouter, il sut ce qu’il devait faire. Il endossa sa cape de voyageur et porta à sa bouche la flûte dorée au timbre cristallin que chaque elfe reçoit en cadeau le jour de sa naissance. Il marcha sans but, marcha et marcha encore, ne cessant jamais de jouer sa petite musique. Ceux qui le croisaient pensaient qu’il avait perdu la raison car il ne parlait jamais, ne prenait jamais de repos et jouait, jouait encore la même petite musique. On dit que son regard troublé semblait voir ce que personne ne voyait… Il cherchait Lisbeth. Il cherchait sa bien-aimée et ne cessait de jouer de la musique pour endormir le chagrin qui l’aurait contraint de s’arrêter. Il se laissait guider par les notes et par ses pas, certain que son amour le porterait vers Lisbeth.

Et il finit par la retrouver. Il vit son aimée, évanouie, petite chose inanimée, transie, petite poupée avec laquelle on ne veut plus jouer, à même le sol en terre battue. Il vit le sorcier qui fabriquait, dans un coin, sans s’inquiéter, des maléfices. Alors, il se remit à jouer de la flûte pour Lisbeth qui leva péniblement la tête vers lui. Puis il ôta sa cape qui tomba à terre.

Les elfes sont les plus pacifiques des êtres magiques qui vivent et règnent sur Féerie. Ils ne tolèrent aucune forme de cruauté et même s’ils possèdent des armes, ils ne s’en servent jamais. Mais leur colère est terrible et rien ne peut l’arrêter. On dit que le combat que livra Ephaël fut si violent que les bois en résonnèrent des jours entiers. Yarak s’opposa à l’elfe par tous les maléfices qu’il connaissait et quand il vit qu’il ne triompherait pas, il tenta de fuir. Mais Ephaël eut raison de Yarak. Un bref instant, le elfe noble eut le désir de jouir de sa souffrance jusqu’à la mort. Et Ephaël eut alors peur de lui-même, peur de ce que la colère et la douleur faisaient de lui. Il recula de quelques pas, ferma les yeux et réunit toute sa magie pour envoyer Yarak loin de lui, dans les territoires effroyables du Versant obscur. Yarak fut réduit à l’errance, à la solitude et à l’amnésie. Les peuples elfiques chantent encore la fuite du sorcier et son éternelle punition.

Ephaël emporta Lisbeth délicatement et l’emmena sans tarder au cercle des fées, leur royaume. Il la confia à ses sœurs qui gémirent de douleur en les voyant arriver. Lisbeth avait perdu ses ailes et sa douleur était si grande qu’elle n’avait plus conscience de ce qui l’entourait. Les autres fées ne savaient que faire et pensaient sans oser le dire qu’il n’était pas possible de garder en vie une créature si abîmée car la petite fée, en perdant ses ailes, avait perdu son rang de fée. Ephaël dut comprendre ce que les sœurs de son aimée taisaient. Il les supplia de faire ce qu’elles pouvaient, le visage ruisselant des larmes qu’il avait empêché de couler durant toutes ses recherches. Les fées emportèrent alors Lisbeth et l’installèrent dans un cocon de soie tissée. C’était tout ce qu’elles pouvaient faire. Les Esprits de la Nature se succèdèrent auprès d’elle et déployèrent tous leurs talents magiques pour tenter de la soulager mais tous venaient la tête baissée, certains que rien ne pourrait empêcher la petite fée d’abandonner la lutte en choisissant de rejoindre les étoiles du firmament. Ils avaient essayé d’en sauver tellement et chacune d’entre elles avaient fini par devenir une petite lueur poudrée fusant vers le ciel.

Alors, Ephaël s’assit à côté du cocon et reprit sa flûte. Sa musique, déchirante mais si douce, emplit la nuit de la forêt. Pendant des jours et des jours et des jours encore, il refusa de s’éloigner, de prendre du repos ou de s’alimenter et à aucun moment, il ne cessa de répandre sa mélopée. Ce que son regard troublé ne voyait pas, les fées, elles, s’en étonnèrent : le cocon s’enflait, grossissait, semblait se transformer en chrysalide.

Un matin, très tôt, Ephaël se tut. Le silence profond remplit l’air frais et tous les êtres du petit peuple vinrent voir ce qu’il se passait. Son chagrin, son désespoir, la douleur qui le tenait avaient eu raison de lui : il abdiquait... Il ferma les yeux et dut s’assoupir. Alors, une chose extraordinaire se produisit. Le cocon bougea, se fendit et l’air embauma soudain le lilas. Et la musique reprit. La musique reprit alors que la petite flûte gisait sur le sol. Ephaël ouvrit aussitôt les yeux et crut que sa grande fatigue lui jouait un tour : devant lui, se tenait Lisbeth, Lisbeth qui avait grandi, Lisbeth sans ailes, Lisbeth souriante et sereine, Lisbeth qui n’était plus tout à fait une fée.

Une liesse folle se répandit dans les bois. Une pluie de fleurs d’opale tomba, des rondes et des sarabandes s’organisèrent et les rires venaient de partout. Lisbeth et Ephaël célébrèrent leur union et ce fut la plus belle et la plus joyeuse des fêtes de Féerie. Longtemps, longtemps, on parla des noces de l’elfe et de la fée. Des chants et des légendes parlent encore d’eux. « Ecoutez la belle histoire de Lisbeth et d’Ephaël ! » entendrez-vous dans les forêts pleines de secrets si vous tendez l’oreille…

La flûte d’Ephaël a disparu, l’elfe la donna à son aimée le jour de leur union. La légende dit qu’elle se transmit de fée en fée puis de fée à femme… On dit même que la flûte d’Ephaël peut retrouver tous ceux qui se sont perdus... Mais seules les descendantes des premières fées savent l’endroit où elle est gardée cachée…

2 commentaires:

Unknown a dit…

Joli conte ! Je me demande décidément de quoi se nourrit ton inspiration.
Oh ! Il y a des répétitions au début et certaines ellipses narratives m'ont un peu désorienté, mais cela reste agréable à lire.

Soleildoctobre a dit…

A ma décharge, ce texte est extrait de Lullaby, Apprenti Domovoy. Il est raconté par Cléia, la fille de Lisbeth et Ephaël dans un passage dialogué. Répétitions et ellipses sont dûes à l'émotion de la petite fée et à l'urgence dans laquelle se trouvent les personnages...